Harcèlement sexuel : le Conseil constitutionnel abroge le délit pénal !

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Cet article a été publié il y a 11 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Dans une décision publiée au JO du 5/05/2012, le Conseil constitutionnel considère qu’un article du code pénal est contraire à la constitution, son abrogation est donc décidée. 

Saisine par la Cour de cassation

A la demande de la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel devait se prononcer sur la validité de l’article 222-23 du code pénal.

Extrait de la décision du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 février 2012 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1365 du

29 février 2012), dans les conditions prévues à l'article 61−1 de la Constitution, d'une question prioritaire de

constitutionnalité posée par M. Gérard D., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 222−33 du code pénal.

Article 222-33

Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende.

La décision du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel prononce l’abrogation de l’article 222-33 précité, en appuyant sa décision sur le principe de la légalité des délits et peines.

Ce principe prévoit en effet que les crimes et délits soient définis en des termes suffisamment clairs et précis. 

Selon les sages, ce n’est pas le cas en l’espèce, la définition donnée par l’article 222-33 est trop imprécise. 

Publiée au JO du 5/05/2012, l’abrogation prend donc effet le même jour.

Extrait de la décision du Conseil constitutionnel

1. Considérant qu'aux termes de l'article 222−33 du code pénal « Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende » ;

2. Considérant que, selon le requérant, en punissant « le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle » sans définir précisément les éléments constitutifs de ce délit, la disposition contestée méconnaît le principe de légalité des délits et des peines ainsi que les principes de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique ; 

7. Considérant que l'abrogation de l'article 222−33 du code pénal prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date,

D É C I D E :

Article 1er.− L'article 222−33 du code pénal est contraire à la Constitution.

Article 2.− La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 7.

Nouvelle version du Code pénal

Article 222-33

Abrogé par Décision n°2012-240 QPC du 4 mai 2012, v. init.

Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende.

NOTA:

Dans sa décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012 (NOR CSCX1222762S), le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 222-23 du code pénal contraire à la Constitution. La déclaration d'inconstitutionnalité prend effet le 5 mai 2012 dans les conditions fixées au considérant 7.

Et pour le Code du travail ?

Le harcèlement sexuel reste punissable du côté du Code du travail.

Mais la menace d’invalidation de l’article le sanctionnant (L 1153-1 et suivants que vous trouverez plus loin) plane également, car la définition est proche de celle du code pénal. 

On pourrait craindre qu’une saisine du Conseil constitutionnel aboutisse au même résultat qu’en matière pénale. 

Rappelons que le Code du travail indique que : 

  • Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle sont interdits ;
  • Aucun candidat ou salarié ne peut être sanctionné pour avoir subit ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel ;
  • Aucun salarié ne peut subir de sanctions pour avoir témoigné d’actes de harcèlement sexuel ;
  • L’employeur prend toutes les mesures visant à préserver de tout acte de harcèlement sexuel ;
  • Toute personne ayant procédé à des agissements de harcèlement sexuel est passible d’une sanction disciplinaire. 

Article L1153-1

Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits.

Article L1153-2

Aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel.

Article L1153-3

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés.

Article L1153-4

Toute disposition ou tout acte contraire aux dispositions des articles L. 1153-1 à L. 1153-3 est nul.

Article L1153-5

L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement sexuel.

Article L1153-6

Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement sexuel est passible d'une sanction disciplinaire.

Article L1154-1

Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. 

Article L1154-2

Les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions résultant des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4.

Elles peuvent exercer ces actions en faveur d'un salarié de l'entreprise dans les conditions prévues par l'article L. 1154-1, sous réserve de justifier d'un accord écrit de l'intéressé.

L'intéressé peut toujours intervenir à l'instance engagée par le syndicat et y mettre fin à tout moment. 

Les conséquences immédiates de la décision du Conseil constitutionnel

Dans une circulaire du 10 mai 2012, le Ministère de la Justice tire les conséquences de la décision du Conseil Constitutionnel.

Cette circulaire, envoyée aux Parquets permet de faire le point sur le sort des procédures en cours qui seraient engagées sur la base de l’article 222-33 du Code pénal, désormais abrogé.

Harcèlement sexuel dans le cadre des relations de travail

Dans l’attente d’une éventuelle QPC, l’infraction de harcèlement sexuel sur la base des articles concernés du Code du travail est toujours en vigueur.

Toutefois et compte tenu que la définition actuelle est assez proche de celle du Code pénal, il serait opportun de privilégier des poursuites sous d’autres qualifications, comme :

  • Violences volontaires ;
  • Harcèlement moral ;
  • Tentative d’agression sexuelle.

Poursuites engagées sur la base du Code pénal

Depuis le 5/05/2012, il n’est plus possible de requérir le renvoi devant une juridiction pénale en requérant l’article 222-33 du Code pénal.

En ce qui concerne les procédures en cours, ce sera au Parquet d’envisager de continuer la poursuite de la procédure, cette fois sur la base d’autres qualifications comme (qualifications identiques à celles qu’il semble judicieux de retenir en matière de Code du travail)  :

  • Violences volontaires avec préméditation ;
  • Harcèlement moral ;
  • Tentative d’agression sexuelle.

Si l’affaire se situe dans le cadre d’une information judiciaire, la mise en examen pourrait être annulée.

Enfin, si la juridiction correctionnelle est déjà saisie, la circulaire indique alors que  le Parquet pourra requérir la nullité de la qualification retenue, une requalification sera toutefois envisageable comme indiqué précédemment.

Et la suite ?

On peut imaginer que le législateur s’empare rapidement de la question, une situation de vide juridique par rapport à ce sujet douloureux ne pouvant être envisageable sur la durée.

C’est ainsi que l’on apprenait que des membres de l’AVFT (Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail) allaient envoyer une proposition de loi au nouveau gouvernement.


Signalons, que la ministre  des Droits des femmes, Madame  Najat Vallaud-Belkacem a indiqué le 17/05, au journal de la chaîne de télévision TF1 qu’une nouvelle loi était « déjà en préparation » pour combler le vide juridique laissé par cette abrogation.

Et demain le harcèlement moral ?

En effet le TGI d’Épinal vient de transmettre à la Cour de cassation une QPC portant sur la validité de l’article 222-33-2 du Code pénal.

Cette fois, c’est le harcèlement moral qui est sur la sellette, l’avenir nous dira si le Conseil Constitutionnel se prononcera de la même façon.

La Cour de cassation a désormais 3 mois pour transmettre éventuellement la QPC au Conseil Constitutionnel.

Article 222-33-2

Créé par Loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 - art. 170 JORF 18 janvier 2002

Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende.

Références

Décision n° 2012−240 QPC du 04 mai 2012, JO 5 mai 2012

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