Impossible de modifier unilatéralement un contrat de travail, même si la convention collective le prévoit

Jurisprudence
Contrat de travail

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La présente affaire concerne un salarié engagé le 31 mai 2007, par contrat à durée déterminée en qualité de joueur professionnel pour 3 saisons successives.

Le 21 juin 2009, le club informe le joueur que du fait de la relégation du club en ligue 2, la rémunération contractuelle ne pouvait pas être maintenue.

Le salarié saisit la juridiction prud'homale, estimant que son employeur procède à une modification unilatérale de son contrat de travail.

De son côté, l’employeur se référait à la charte du football professionnel, à laquelle la Cour de cassation d’ailleurs reconnaît la valeur de convention collective sectorielle.

L’article 761 de ladite charte autorisant l’employeur, en cas de relégation en division inférieure, à diminuer la rémunération de leurs joueurs de 20% notamment.

L’employeur considérant en l’espèce être dispensé de rechercher l’accord écrit du salarié, avant de procéder à la diminution de la rémunération comme cela était le cas en l’espèce. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande.

Elle précise qu'il résulte des pièces produites que le courrier recommandé du club daté du 24 juin 2009 a été présenté à son destinataire le 29 juin 2009, lequel n'a contesté la baisse de sa rémunération que plus d'une année plus tard le 21 juin 2010 auprès de la LFP (Ligue de Football Professionnel), soit manifestement hors délai.

D’autre part, l'absence d'envoi d'une copie de la proposition de réduction de salaire à la LFP n'est pas de nature à entacher la validité de la décision du club. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire et de congés payés, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article 761 de la charte de football professionnel, en cas de relégation en division inférieure, les clubs ont la faculté de diminuer la rémunération de leurs joueurs de 20 % et qu'au-delà de ce pourcentage, les clubs peuvent proposer individuellement à leurs joueurs par écrit avant le 30 juin avec copie à la ligue du football professionnel (LFP), une diminution de la rémunération, la réponse du joueur devant intervenir dans un délai de 8 jours de la réception de la proposition écrite ; que l'absence de réponse écrite du joueur dans le délai indiqué vaut acceptation de la diminution proposée par le club ; qu'il résulte des pièces produites que le courrier recommandé du club daté du 24 juin 2009 a été présenté à son destinataire le 29 juin 2009, lequel n'a contesté la baisse de sa rémunération que plus d'une année plus tard le 21 juin 2010 auprès de la LFP, soit manifestement hors délai ; que l'absence d'envoi d'une copie de la proposition de réduction de salaire à la LFP n'est pas de nature à entacher la validité de la décision du club ;

Mais la Cour de cassation ne partage pas le même avis, et casse et annule l’arrêt de la cour d’appel en renvoyant les 2 parties devant une nouvelle cour d’appel.

Elle indique que, sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que, sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que le joueur avait donné son accord exprès à la réduction de rémunération décidée par le club de football, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande de rappel de salaire et de congés payés au titre de la saison 2009/2010, l'arrêt rendu le 5 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Cour de cassation du , pourvoi n°14-26147

Modification unilatérale d’un contrat de travail

Le présent arrêt rappelle dans un premier temps que la modification unilatérale d’un contrat de travail ne peut être imposée par un employeur.

Même si aucun formalisme n’est imposé, il est recommandé à l’employeur de notifier sa volonté par lettre recommandée avec avis de réception.

Dans ce cas, la procédure suivante est généralement observée : 

  1. L’employeur avise le salarié de la modification souhaitée du contrat de travail ;
  2. Il doit laisser au salarié un délai « suffisant » (l’administration a considéré qu’un délai de 15 jours était nécessaire pour la modification de la rémunération) (Circulaire DRT du 30 juillet 1993);
  3. Si le salarié accepte, un nouveau contrat de travail est établi (ou un avenant au contrat initial) et les deux parties continuent sur la base d’une nouvelle relation contractuelle ;
  4. Si le salarié refuse, l’employeur prend acte du refus et renonce à la modification du contrat de travail ou prononce un licenciement pour motif personnel. 

Précision sur la motivation du licenciement  

Le licenciement prononcé suite à un refus du salarié, n’est justifié que si la proposition de modification l’est aussi.

Concrètement, le seul refus du salarié d’accepter la modification du contrat de travail ne constitue pas en lui-même une cause réelle et sérieuse pouvant motiver le licenciement.

Extrait de l’arrêt :

Attendu, cependant, que le seul refus d'un salarié d'accepter une modification de son contrat de travail ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement; qu'il appartenait dès lors à la cour d'appel de rechercher si la nécessité pour l'employeur de procéder à la modification du contrat de M. X... était justifiée ; que l'arrêt est dès lors dépourvu de base légale ;

Et attendu que la cassation du chef du licenciement entraîne par voie de conséquence la cassation sur le second moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour procédés vexatoires, l'arrêt rendu le 5 décembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du vendredi 28 janvier 2005 N° de pourvoi: 03-40639 

Nota : si la modification du contrat de travail a une origine disciplinaire, le respect d’une procédure particulière est obligatoire, à savoir notamment le respect d’un entretien préalable.

Précision sur l’accord du salarié: 

L’accord du salarié doit être « explicite » (faire l’objet par exemple d’un avenant, dûment signé par le salarié).

Ainsi, la Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 8/10/1997, que le seul fait que le salarié continuait à exercer son activité en se conformant aux nouvelles dispositions ne signifiait pas concrètement qu’il avait donné pleinement son accord. 

 Extrait de l’arrêt :

Attendu que, pour débouter MM. Y... et Z... de leur demande en paiement de rappels de salaires et de sommes représentant l'incidence qui devait en résulter sur le montant des indemnités de rupture et de la prime annuelle, la cour d'appel énonce que s'il n'appartient pas au salarié, qui refuse de donner son accord à la réduction de salaire, d'imposer à l'employeur le maintien des conditions antérieures, en revanche il lui incombe de tirer les conséquences de ce désaccord en prenant, s'il l'estime utile, l'initiative de la rupture du lien contractuel ;

Attendu qu'en statuant par ces motifs, alors que l'acceptation par MM. Y... et Z... de la modification substantielle qu'ils avaient refusée, du contrat de travail ne pouvait résulter de la poursuite par eux du travail, et alors que c'était à l'employeur de prendre la responsabilité d'une rupture, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit besoin de statuer sur la première branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE mais seulement en celles de leurs dispositions relatives au paiement de rappels de salaires et de sommes représentant l'incidence en résultant sur le montant des indemnités de rupture et de la prime annuelle, les arrêts rendus le 9 mars 1984, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 8 octobre 1987 N° de pourvoi: 84-41902 84-41903 

Modification unilatérale prévue par convention collective

L’intérêt du présent arrêt est de confirmer que « sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié. » 

Le présent arrêt rappelle dans un premier temps que la modification unilatérale d’un contrat de travail ne peut être imposée par un employeur.

Sauf disposition légale contraire

Ainsi que l’indique la Cour de cassation dans le présent arrêt, seule la loi pourrait autoriser l’employeur à modifier le contrat de travail de façon unilatérale, sans avoir à obtenir l’accord du salarié. 

Cette disposition est par exemple prévue dans le cadre des accords collectifs types « accord de maintien dans l’emploi ».

Ces accords sont prévus par la loi de sécurisation de l’emploi du 14/06/2013, instaurée suite à l’ANI du 11/01/2013.

LOI no 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, JO du 16 juin 2013 

ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU 11 JANVIER 2013 POUR UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL AU SERVICE DE LA COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES ET DE LA SÉCURISATION DE L’EMPLOI ET DES PARCOURS PROFESSIONNELS DES SALARIES

Selon l’article L 1222-6, l’absence de réponse du salarié dans un délai d’un mois, emporte l’accord de dernier pour la modification d’un élément essentiel de son contrat de travail.

Article L1222-6

Lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.

La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus.

A défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.

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