Peut être licencié pour faute grave, le salarié qui persiste à fumer dans les locaux de l’entreprise

Jurisprudence
Rupture contrat de travail

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Un salarié est engagé le 21 août 1995 en qualité d'ouvrier de fabrication, puis promu en 2007 responsable de fabrication.

Il est licencié le 21 mars 2011 pour faute grave, l'employeur lui reprochant notamment un non-respect réitéré des consignes de sécurité, le salarié, qui avait été sanctionné pour avoir fumé sur le site le 6 janvier 2011, ayant été vu avec une cigarette le 16 février 2011.

Précision supplémentaire, l’interdiction de fumer dans l’enceinte de l’entreprise étant par ailleurs justifiée par l’activité de la société et la présence de produits hautement inflammables qui s’y trouvaient manipulés. 

Mais le salarié décide de saisir la juridiction prud'homale, estimant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison au salarié, estimant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, mettant en avant le fait que le salarié était en arrêt de travail pour maladie au moment du licenciement, situation parfaitement connue de l'employeur.

La cour d’appel ajoute qu’il ressort du contexte déjà discuté que le salarié était déstabilisé et fragilisé, au point d'être placé en inaptitude temporaire par le médecin du travail, ce qui implique de relativiser son comportement d'insubordination et qu'il se déduit de ces motifs que le licenciement ne pouvait être prononcé pour une faute grave mais qu'il ne pouvait pas plus être prononcé pour cause réelle et sérieuse en l'état de l'arrêt de travail du salarié. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour décider que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il est établi que M. X... était en arrêt de travail pour maladie au moment du licenciement, situation parfaitement connue de l'employeur, que ce contexte autorisait seulement un licenciement pour faute grave, alors que les griefs discutés ne révèlent pas la nécessité de rompre sans délai le contrat de travail, alors même que l'accumulation de reproches en un bref délai peut expliquer l'accroissement de l'énervement du salarié subissant une procédure de licenciement évolutive, que même si l'employeur soutient à juste titre qu'un chef d'équipe doit respecter une attitude exemplaire, il ressort du contexte déjà discuté que M. X... était déstabilisé et fragilisé, au point d'être placé en inaptitude temporaire par le médecin du travail, ce qui implique de relativiser son comportement d'insubordination et qu'il se déduit de ces motifs que le licenciement ne pouvait être prononcé pour une faute grave mais qu'il ne pouvait pas plus être prononcé pour cause réelle et sérieuse en l'état de l'arrêt de travail du salarié ;

Mais la Cour de cassation ne partage pas le même avis, elle considère que le licenciement pour faute grave était bel et bien fondé dans l’affaire présente.

Elle rappelle que le salarié avait été précédemment sanctionné pour les mêmes faits, mais qu’il avait de nouveau fumé dans l'enceinte de l'entreprise en violation des consignes de sécurité, dont il avait connaissance, interdisant cette pratique en raison de l'activité de la société et des produits qui s'y trouvaient manipulés, ce dont il résultait qu'un tel comportement rendait impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise et constituait une faute grave. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié, précédemment sanctionné pour les mêmes faits, avait de nouveau fumé dans l'enceinte de l'entreprise en violation des consignes de sécurité, dont il avait connaissance, interdisant cette pratique en raison de l'activité de la société et des produits qui s'y trouvaient manipulés, ce dont il résultait qu'un tel comportement rendait impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise et constituait une faute grave, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement mal fondé et en ce qu'il condamne la société (…) à payer à M. X... la somme de 12 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, la somme de 3 962,90 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 396,29 euros brut à titre de congés payés du préavis et la somme de 7 760,64 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, l'arrêt rendu le 13 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Cour de cassation du , pourvoi n°14-10327

Profitons de la présente affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant le fait de… fumer sur le lieu de travail.

L’interdiction de fumer dans les locaux collectifs

2 articles du code de la santé publique confirment l’interdiction de fumer dans des lieux affectés à un usage collectif.

Cette interdiction s’applique notamment dans tous les lieux fermés et couverts qui constituent des lieux de travail, mais également dans les moyens de transport collectif. 

Article L3511-7

Modifié par Ordonnance n°2006-596 du 23 mai 2006 - art. 5 JORF 25 mai 2006

Il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, notamment scolaire, et dans les moyens de transport collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de l'alinéa précédent.

Article R3511-1

Modifié par Décret 2007-1133 2007-07-24 art. 5 1° JORF 25 juillet 2007

L'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif mentionnée à l'article L. 3511-7 s'applique :

1° Dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail ;

2° Dans les moyens de transport collectif ;

3° Dans les espaces non couverts des écoles, collèges et lycées publics et privés, ainsi que des établissements destinés à l'accueil, à la formation ou à l'hébergement des mineurs. 

Des interdictions « spécifiques » 

Outre l’interdiction de fumer dans des lieux collectifs, 2 articles, l’un du code du travail R 4227-23) et l’autre du code de la santé publique (R 3511-7) , précisent que cette interdiction s’applique également dans les emplacements situés à l’air libre dans lesquels sont entreposées ou manipulées par exemples des substances ou préparations classées explosives, comburantes ou extrêmement inflammables, ainsi que des matières dans un état physique susceptible d'engendrer des risques d'explosion ou d'inflammation instantanée. 

Article R4227-23

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)

Outre l'interdiction de fumer dans les lieux collectifs, prévue à l'article L. 3511-7 du code de la santé publique, il est interdit de fumer dans les emplacements situés à l'air libre mentionnés à l'article R. 4227-22. 
Cette interdiction fait l'objet d'une signalisation conforme à la réglementation en vigueur.

Article R4227-22

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Les locaux ou les emplacements dans lesquels sont entreposées ou manipulées des substances ou préparations classées explosives, comburantes ou extrêmement inflammables, ainsi que des matières dans un état physique susceptible d'engendrer des risques d'explosion ou d'inflammation instantanée, ne contiennent aucune source d'ignition telle que foyer, flamme, appareil pouvant donner lieu à production extérieure d'étincelles ni aucune surface susceptible de provoquer par sa température une auto-inflammation des substances, préparations ou matières précitées.
Ces locaux disposent d'une ventilation permanente appropriée.

Article R3511-7

Modifié par Décret 2007-1133 2007-07-24 art. 5 1° JORF 25 juillet 2007

Les dispositions de la présente section s'appliquent sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'hygiène et à la sécurité, notamment celles du titre III du livre II du code du travail.

Les précisions apportées par le décret du 15 novembre 2006

Le décret 2006-1386 du 15 novembre 2006, publié au JO du 16 novembre 2006 a précisé de nombreux points comme :

Les lieux pour les fumeurs 

  • Le fait que l'interdiction de fumer ne s'applique pas dans les emplacements mis à la disposition des fumeurs au sein des lieux mentionnés à l'article R. 3511-1 précité ;
  • Que ces emplacements ne peuvent être aménagés au sein des établissements d'enseignement publics et privés, des centres de formation des apprentis, des établissements destinés à ou régulièrement utilisés pour l'accueil, la formation, l'hébergement ou la pratique sportive des mineurs et des établissements de santé ;
  • Ces emplacements réservés sont des salles closes, affectées à la consommation de tabac et dans lesquelles aucune prestation de service n'est délivrée. Aucune tâche d'entretien et de maintenance ne peut y être exécutée sans que l'air ait été renouvelé, en l'absence de tout occupant, pendant au moins une heure ;
  • Ces locaux respectent des normes particulières comme : être équipés d'un dispositif d'extraction d'air par ventilation mécanique permettant un renouvellement d'air minimal de dix fois le volume de l'emplacement par heure, être dotés de fermetures automatiques sans possibilité d'ouverture non intentionnelle, ne pas constituer un lieu de passage et enfin présenter une superficie au plus égale à 20 % de la superficie totale de l'établissement au sein duquel les emplacements sont aménagés sans que la superficie d'un emplacement puisse dépasser 35 mètre carrés. 

Extrait du Décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006 fixant les conditions d'application de l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, JO du 16 novembre 2006  

« Section 1
« Interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif (…)
« Art. R. 3511-2. - L'interdiction de fumer ne s'applique pas dans les emplacements mis à la disposition des fumeurs au sein des lieux mentionnés à l'article R. 3511-1 et créés, le cas échéant, par la personne ou l'organisme responsable des lieux.
« Ces emplacements ne peuvent être aménagés au sein des établissements d'enseignement publics et privés, des centres de formation des apprentis, des établissements destinés à ou régulièrement utilisés pour l'accueil, la formation, l'hébergement ou la pratique sportive des mineurs et des établissements de santé.
« Art. R. 3511-3. - Les emplacements réservés mentionnés à l'article R. 3511-2 sont des salles closes, affectées à la consommation de tabac et dans lesquelles aucune prestation de service n'est délivrée. Aucune tâche d'entretien et de maintenance ne peut y être exécutée sans que l'air ait été renouvelé, en l'absence de tout occupant, pendant au moins une heure.
« Ils respectent les normes suivantes :
« 1° Etre équipés d'un dispositif d'extraction d'air par ventilation mécanique permettant un renouvellement d'air minimal de dix fois le volume de l'emplacement par heure. Ce dispositif est entièrement indépendant du système de ventilation ou de climatisation d'air du bâtiment. Le local est maintenu en dépression continue d'au moins cinq pascals par rapport aux pièces communicantes ;
« 2° Etre dotés de fermetures automatiques sans possibilité d'ouverture non intentionnelle ;
« 3° Ne pas constituer un lieu de passage ;
« 4° Présenter une superficie au plus égale à 20 % de la superficie totale de l'établissement au sein duquel les emplacements sont aménagés sans que la superficie d'un emplacement puisse dépasser 35 mètre carrés.

Sanctions 

L’article 2 du même décret indique :

  • Qu’est puni d’une amende de 3ème classe, le fait de fumer dans un lieu à usage collectif mentionné à l'article R. 3511-1 ;
  • Qu’est puni d’une amende de 4ème classe, le fait pour le responsable des lieux de ne pas mettre en place la signalisation prévue, de  mettre à la disposition de fumeurs un emplacement non conforme ou alors de  favoriser, sciemment, par quelque moyen que ce soit, la violation de cette interdiction. 

Extrait du Décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006 fixant les conditions d'application de l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, JO du 16 novembre 2006  

Article 2
A la section unique du chapitre II du titre unique du livre V de la troisième partie du code de la santé publique, les articles R. 3512-1 et R. 3512-2 sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Art. R. 3512-1. - Le fait de fumer dans un lieu à usage collectif mentionné à l'article R. 3511-1 hors de l'emplacement mentionné à l'article R. 3511-2 est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la troisième classe.
« Art. R. 3512-2. - Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe le fait, pour le responsable des lieux où s'applique l'interdiction prévue à l'article R. 3511-1, de :
« 1° Ne pas mettre en place la signalisation prévue à l'article R. 3511-6 ;
« 2° Mettre à la disposition de fumeurs un emplacement non conforme aux dispositions des articles R. 3511-2 et R. 3511-3 ;
« 3° Favoriser, sciemment, par quelque moyen que ce soit, la violation de cette interdiction. »

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