Prise d’acte par un salarié protégé : les indemnités se cumulent

Jurisprudence
Prise acte rupture contrat travail

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Un salarié est engagé le 10 mai 2001.

Il est élu le 8 septembre 2004 délégué du personnel suppléant.

Le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail le 7 mars 2005. 

Le salarié saisit la juridiction prud’homale, estimant que devaient se cumuler en l’espèce, le paiement de l’indemnité de rupture, l’indemnité réparant le caractère illicite du licenciement et l’indemnité réparant la violation du statut protecteur. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié, estimant que l’indemnité réparant la violation du statut protecteur ne devait pas se cumuler avec les autres indemnités dues. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité au titre de la violation de son statut protecteur, la cour d'appel, après avoir jugé que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur en raison, notamment, de faits de harcèlement moral et de menaces de mort réitérées qui ont fait l'objet de condamnations pénales, et produit les effets d'un licenciement nul, retient que cette nullité ouvre droit aux indemnités légales ou conventionnelles de rupture et à l'indemnisation du préjudice subi, sans cumul des indemnités liées au mandat, qu'en l'espèce la somme accordée par le jugement déféré à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à six mois de salaire n'ayant pas été discutée par les parties, ce montant sera confirmé et qu'il n'y a pas lieu d'accorder au salarié, en plus de cette somme des dommages-intérêts supplémentaires en raison de la violation du statut protecteur ;

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, les juges cassent et annulent l’arrêt de la cour d’appel sur ce point précis.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi alors qu'elle retenait que la prise d'acte était justifiée et produisait les effets d'un licenciement nul, en sorte qu'elle ouvrait droit, au titre de la violation du statut protecteur dont bénéficiait le salarié, à une indemnité forfaitaire égale aux salaires que le salarié aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de sa décision, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande d'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur, l'arrêt rendu le 28 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-20108

La prise d’acte par un salarié protégé, lorsqu’elle est reconnue fondée, entraine le paiement de multiples indemnités que nous vous rappelons dans notre partie commentaires. 

A la différence de la prise d’acte par un salarié non protégé, la prise d’acte par un salarié protégé, lorsque les griefs justifient la rupture, produit les effets d’un licenciement nul et non ceux d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Extrait de l’arrêt

Attendu cependant que lorsqu'un salarié titulaire d'un mandat électif ou de représentation prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur lorsque les faits invoqués par le salarié la justifiaient, soit, dans le cas contraire, les effets d'une démission ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir retenu que la rupture était imputable à l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a débouté M. X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement intervenu en violation de son statut protecteur, l'arrêt rendu le 29 juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Indemnité de licenciement

Lorsque la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul, le salarié doit alors obtenir le paiement de l’indemnité de licenciement. 

Nota : l’ancienneté prise en compte est celle constatée à la prise d’acte. 

Extrait de l’arrêt :

2°/ que le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement doit être calculé au regard de l'ancienneté acquise à l'issue du préavis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la prise d'acte de la rupture était justifiée et devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en affirmant néanmoins qu'elle se serait "soustraite à l'exécution du préavis" et en retenant l'ancienneté acquise à la date de notification de la prise d'acte pour calculer le montant de l'indemnité de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-9 du code du travail ;

Mais attendu que la prise d'acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail de sorte que le salarié n'est pas tenu d'exécuter un préavis ;

Et attendu qu'ayant constaté que Mme X... avait quitté son emploi à la date de la prise d'acte, la cour d'appel a jugé à bon droit que son ancienneté dans l'entreprise devait se calculer à la date de la rupture 

Cour de cassation du 28/09/2011 Pourvoi n° 09-67510

  

Indemnité compensatrice de préavis 

La prise d’acte a pour effet de rompre le contrat de travail immédiatement, privant ainsi le salarié du bénéfice d’une période de préavis.

L’employeur se trouve donc dans l’obligation de verser une indemnité compensatrice correspondant au préavis dont aurait bénéficié le salarié en cas de licenciement. 

Indemnité compensatrice de congés payés au titre du préavis non effectué 

Conséquence directe, l’entreprise se trouve également redevable d’une indemnité compensatrice de congés payés correspondant à la période de préavis non effectuée, généralement cette indemnité est chiffrée selon la méthode du « 1/10ème ».

Exemple :

  • Indemnité compensatrice de préavis équivaut à 3.000 € ;
  • L’indemnité compensatrice de congés payés sera évaluée à 300€ (3.000 €* 1/10ème).

Nota : l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents sont dus, y compris lorsque le salarié a été malade pendant cette période. 

Dommages et intérêts au titre du licenciement nul 

Indemnité égale à 6 mois de salaire 

Au regard de l’article L 1134-4 du code du travail, le salarié doit percevoir des dommages et intérêts visant à réparer le préjudice subi.

Le montant des sommes à verser est souverainement apprécié par les juges, sans toutefois que sa valeur ne soit inférieure aux salaires des 6 derniers mois.

Article L1134-4

Modifié par LOI n°2008-126 du 13 février 2008 - art. 16

Est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur, sur le fondement des dispositions du chapitre II, lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.

Lorsque le salarié refuse de poursuivre l'exécution du contrat de travail, le conseil de prud'hommes lui alloue :

1° Une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

2° Une indemnité correspondant à l'indemnité de licenciement prévue par l'article L.1234-9 ou par la convention ou l'accord collectif applicable ou le contrat de travail.

L'article L.1235-4, relatif au remboursement à l'institution mentionnée à l'article L.5312-1, pour le compte de l'organisme mentionné à l'article L.5427-1, des indemnités de chômage payées au salarié en cas de licenciement fautif, est également applicable.

  

Indemnité due, quelle que soit l’ancienneté du salarié 

Cette somme est due, quelle que soit l’ancienneté du salarié et effectif de l’entreprise.  

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour réduire notablement les indemnités qu'un conseil de prud'hommes avait condamné la société Y…à verser à Mme X... en réparation de son préjudice né d'un licenciement nul, la cour d'appel relève la faible ancienneté de la salariée en application de l'article L. 1235-3 du code du travail ;
Attendu cependant que le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait jugé que le licenciement de la salariée était nul pour avoir été prononcé après qu'elle eut dénoncé le harcèlement moral dont elle était victime, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives au licenciement nul, l'arrêt rendu le 28 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ; 

Cour de cassation du 14/04/2010, pourvoi 09-40486

  

Indemnisation au titre du DIF

Selon nous, en cas de prise d’acte par le salarié qui produit les effets d’un licenciement nul, cette indemnisation au titre du DIF est également à envisager, le salarié ayant été privé de sa période de préavis et de son droit à utiliser les heures acquises au titre du DIF. 

Extrait de l’arrêt

Attendu que le salarié, dont la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est justifiée et qui n'est pas tenu d'exécuter un préavis, a droit à être indemnisé de la perte de chance d'utiliser les droits qu'il a acquis au titre du droit individuel à la formation ;

Attendu que pour rejeter la demande du salarié tendant à obtenir le paiement par la société Y… d'une somme au titre du droit individuel à formation l'arrêt retient que le salarié ne peut prétendre à une indemnisation des heures acquises au titre du DIF depuis 2005 alors qu'il n'a jamais formulé de demande à ce titre comme le suppose l'article L. 6323-10 du code du travail, ni à l'occasion de la prise d'acte de la rupture pour une éventuelle demande pendant le préavis ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; 

Cour de cassation du 18/05/2011 pourvoi 09-69175

Indemnisation au titre de la violation du statut protecteur

Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et que les griefs invoqués sont reconnus fondés par les juges, le salarié peut alors prétendre au paiement d’une indemnité au titre de la violation du statut protecteur, égale à la rémunération brute que le salarié aurait perçue entre la date de rupture du contrat de travail et l'expiration de la période de protection.

 Extrait de l’arrêt

Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié protégé licencié sans autorisation et qui ne demande pas sa réintégration a droit, au titre de la violation du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre la date de la rupture et l'expiration de la période de protection 

Cour de cassation du 10/05/2006 pourvoi 04-40901

Pas de réintégration possible

En principe, le salarié protégé dont le licenciement a été annulé par le juge peut demander sa réintégration.

La Cour de cassation confirme que cette possibilité disparaît lorsque le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur et que, estimant cette prise d’acte justifiée, le juge lui fait produire les effets d’un licenciement nul. 

 Extrait de l’arrêt

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à obtenir sa réintégration sous astreinte dans son emploi, alors, selon le moyen :

1°/ que pour débouter la salariée ayant pris acte de la rupture aux torts de l'employeur de sa demande de réintégration, la cour d'appel a jugé qu'il résulte de ce que celle-ci avait sollicité des indemnités de rupture lors d'une précédente procédure qu'elle pourrait avoir renoncé à sa réintégration ; que la cour d'appel en a déduit qu'il existe une contestation sérieuse tenant à l'articulation d'une prise d'acte, ainsi exprimée, avec une demande postérieure de réintégration formulée par la salariée 

Cour de cassation du 29/05/2013 pourvoi 12-15974

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