Contrat intérim : en cas de recours non autorisé, l’entreprise utilisatrice est la seule responsable !

Jurisprudence
Contrat de travail

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Une salariée est engagée en qualité d’enseignante, dans le cadre d’un contrat temporaire ayant comme motif un accroissement temporaire d’activité, pour assurer l’encadrement d'élèves de l'enseignement de mathématiques et de physique au sein d’un CFA.

Elle saisit la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de son contrat de mission en un contrat à durée indéterminée ainsi que de rappels de salaire et de congés payés.

La salariée considère que l’entreprise utilisatrice lui confie un poste qui s’inscrit en réalité dans son activité normale et permanente.

Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison à la salariée, condamnant « in solidum » le CFA (entreprise utilisatrice) et l’entreprise de travail temporaire. 

Extrait de l’arrêt : 

Attendu qu'ayant prononcé la requalification du contrat de mission en un contrat à durée indéterminée à temps complet, la cour d'appel a, d'une part, mis à la charge de la société de travail temporaire X… le paiement de certaines sommes à titre de rappel de salaire, de solde de congés payés et d'indemnité de fin de mission et, d'autre part, l'a condamnée in solidum avec le CFA à payer à la salariée certaines sommes à titre d'indemnité de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 

La Cour de cassation approuve le fait de donner raison à la salariée, mais conteste le fait de condamner l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire.

Elle rappelle que selon les termes du code du travail, seule l’entreprise utilisatrice doit être tenue responsable dans l’affaire présente. 

Extrait de l’arrêt : 

Qu'en statuant ainsi, alors que la requalification d'un contrat de mission à raison de la méconnaissance de l'article L. 1251-6 du code du travail ne peut, sauf concert frauduleux, en l'espèce non retenu, être prononcée qu'à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Y… (…) à payer à Mme X... les sommes de 18 114 euros à titre de rappel de salaires, 2 331,49 euros au titre du solde des congés payés et 1 811,49 euros au titre du solde de l'indemnité de fin de mission et in solidum avec le (…) CFA (…) les sommes de 3 390,17 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 339,01 euros de congés payés afférents et 8 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
l'arrêt rendu le 13 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Cour de cassation du , pourvoi n°11-26620

Le contrat de travail temporaire est un contrat très particulier, pour lequel les cas de recours autorisés sont strictement fixés, et les cas de recours interdits également. 

Les 8 cas de recours autorisés 

1)   Remplacement d’un salarié absent

Le recours peut concerner un salarié réellement absent de l’entreprise, mais aussi le salarié absent de son poste de travail mais toujours présent au sein de l’entreprise. 

Cour de cassation du 25/02/2009, arrêt 07-43513

Le contrat peut prendre effet avant l’absence du salarié. 

Article L1251-13 

Lorsque le contrat de mission est conclu pour remplacer un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu ou pour un remplacement effectué au titre des 4° et 5° de l'article L. 1251-6, il peut prendre effet avant l'absence de la personne à remplacer.

2)   Attente entrée en service d’un salarié recruté en CDI  

3)   Accroissement temporaire d’activité 

4)   Emplois à caractère saisonniers 

Rappel de la définition des travaux saisonniers :

  • Travaux qui sont normalement appelés à se répéter chaque année ;
  • À date à peu près fixes ;
  • En fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.

Dans le secteur agricole, il s'agit de travaux liés à l'activité de récolte, au conditionnement.
Dans le secteur du tourisme, cela peut concerner les centres de loisirs, commerces des stations touristiques. 

5)   Emplois dans un secteur où il est d’usage de ne pas recourir aux contrats CDI (les réputés « contrats d’usage ») 

Article D1242-1

Décret n°2009-1443 du 24 novembre 2009 - art. 1

En application du 3° de l'article L. 1242-2, les secteurs d'activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants :
1° Les exploitations forestières ; 2° La réparation navale ; 3° Le déménagement ; 

 4° L'hôtellerie et la restauration, les centres de loisirs et de vacances ;
5° Le sport professionnel ;  6° Les spectacles, l'action culturelle, l'audiovisuel, la production cinématographique, l'édition phonographique ; 7° L'enseignement ;

  8° L'information, les activités d'enquête et de sondage ; 9° L'entreposage et le stockage de la viande ; 10° Le bâtiment et les travaux publics pour les chantiers à l'étranger ;
11° Les activités de coopération, d'assistance technique, d'ingénierie et de recherche à l'étranger ; 12° Les activités d'insertion par l'activité économique exercées par les associations intermédiaires prévues à l'article L. 5132-7 ;
13° Le recrutement de travailleurs pour les mettre, à titre onéreux, à la disposition de personnes physiques, dans le cadre du 2° de l'article L. 7232-6;
14° La recherche scientifique réalisée dans le cadre d'une convention internationale, d'un arrangement administratif international pris en application d'une telle convention, ou par des chercheurs étrangers résidant temporairement en France ;

15° Les activités foraines.

6)   Embauche dans le cadre de la politique de l’emploi 

C’est l’article L 1251-7 du code du travail qui permet le recours au travail temporaire, facilitant ainsi l’insertion de personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles.

Ce cas de recours nécessite la conclusion d’accords de branche étendus ou des dispositions réglementaires. 

Article L1251-7 

Outre les cas prévus à l'article L. 1251-6, la mise à disposition d'un salarié temporaire auprès d'une entreprise utilisatrice peut intervenir :

1° Lorsque la mission de travail temporaire vise, en application de dispositions légales ou d'un accord de branche étendu, à favoriser le recrutement de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières ;  

7)   Embauche qui comprend un complément de formation 

L’engagement de complément de formation doit être réalisé par l’entreprise de travail temporaire ET l’entreprise utilisatrice.

Ce cas de recours nécessite la conclusion d’accords de branche étendus ou des dispositions réglementaires. 

Article L1251-7 

Outre les cas prévus à l'article L. 1251-6, la mise à disposition d'un salarié temporaire auprès d'une entreprise utilisatrice peut intervenir :

2° Lorsque l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice s'engagent, pour une durée et dans des conditions fixées par décret ou par accord de branche étendu, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié.  

8)   Contrat d’apprentissage 

Loi 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels (JO 29/07).

La loi « Cherpion » du 28/07/2011 instaure la possibilité pour les ETT (Entreprises de Travail Temporaire) de conclure des contrats d’apprentissage.

L’apprenti est alors formé :

  • Dans l’entreprise utilisatrice dans le cadre de missions de travail temporaire ;
  • Et dans le centre de formation des apprentis.

La durée de chaque mission est de 6 mois, période en centre de formation des apprentis comprise.

La fonction tutorale est assurée par un maître d'apprentissage dans l'entreprise de travail temporaire et par un maître d'apprentissage dans l'entreprise utilisatrice. 

Extrait de la loi Cherpion

Article 7
Le même code est ainsi modifié :
1° L'article L. 1251-7 est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Lorsque l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice s'engagent à assurer une formation professionnelle au salarié par la voie de l'apprentissage, en vue de l'obtention d'une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles. Cette formation est dispensée pour partie dans l'entreprise utilisatrice et pour partie en centre de formation d'apprentis ou section d'apprentissage en application de l'article L. 6221-1. » ;
2° L'article L. 1251-12 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle est portée à trente-six mois afin d'être égale à celle du cycle de formation effectué en apprentissage conformément à l'article L. 6222-7. » ;
3° A la seconde phrase du 1° de l'article L. 1251-57, après le mot : « entreprise », sont insérés les mots : « , du contrat d'apprentissage » ;
4° Le titre II du livre II de la sixième partie est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« Chapitre VI
« Entreprises de travail temporaire
« Art. L. 6226-1. - Les entreprises de travail temporaire mentionnées à l'article L. 1251-45 peuvent conclure des contrats d'apprentissage. Ces contrats assurent à l'apprenti une formation professionnelle dispensée pour partie en entreprise dans le cadre des missions de travail temporaire définies au chapitre Ier du titre V du livre II de la première partie et pour partie en centre de formation d'apprentis ou section d'apprentissage dans les conditions prévues à l'article L. 1251-57.
« La durée minimale de chaque mission de travail temporaire effectuée dans le cadre de l'apprentissage est de six mois. Le temps consacré aux enseignements dispensés en centre de formation d'apprentis ou en section d'apprentissage et afférents à ces missions est pris en compte dans cette durée.
« La fonction tutorale mentionnée à l'article L. 6223-6 est assurée par un maître d'apprentissage dans l'entreprise de travail temporaire et par un maître d'apprentissage dans l'entreprise utilisatrice. »

Les 5 cas de recours interdits 

1)   Contrat ayant pour objet de pourvoir durablement à un emploi

L’article L 1251-5 du Code du travail rappelle cette notion importante, à l’origine de nombreux cas de requalification par les juges.

Article L1251-5 

Le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

2)   Remplacement de salariés grévistes  

Article L1251-10 

Outre les cas prévus à l'article L. 1251-9, il est interdit de recourir au travail temporaire :

1° Pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d'un conflit collectif de travail ;

Outre le Code du travail, la Cour de cassation vient de rendre un arrêt qui complète et précise cette obligation.

La Cour de cassation donne raison au syndicat et considère que l’interdiction de recrutement de salariés intérimaires pour remplacer les salariés grévistes doit aussi s’appliquer aux salariés intérimaires déjà en place mais à qui l’on demande de remplacer aussi les employés grévistes.

Cour de cassation du 2/03/2011 Pourvoi 10-13.634 FP-PBR

Si vous souhaitez retrouver cet arrêt en détails, vous pouvez cliquer ici. 

3)   Pour exécuter des travaux dangereux  

Article L1251-10 

Outre les cas prévus à l'article L. 1251-9, il est interdit de recourir au travail temporaire :

2° Pour effectuer certains travaux particulièrement dangereux figurant sur une liste établie par voie réglementaire, dans les conditions prévues à l'article L. 4154-1. L'autorité administrative peut exceptionnellement autoriser une dérogation à cette interdiction, dans des conditions déterminées par voie réglementaire ;  

Une dérogation peut toutefois être exceptionnellement autorisée par l’autorité administrative.

4)   Lorsque l’entreprise a effectué un licenciement économique dans les 6 mois qui précédent

L’interdiction porte sur les postes concernés par le licenciement économique.

Cette interdiction ne s’applique pas si :

  • Le contrat n’excède pas 3 mois et n’est pas susceptible d’être renouvelé ;
  • Si le contrat est lié à une commande exceptionnelle destinée à l’exportation. 

Article L1251-9 

Dans les six mois suivant un licenciement pour motif économique, il est interdit de faire appel à un salarié temporaire au titre d'un accroissement temporaire de l'activité, y compris pour l'exécution d'une tâche occasionnelle, précisément définie et non durable, ne relevant pas de l'activité normale de l'entreprise utilisatrice.

Cette interdiction porte sur les postes concernés par le licenciement dans l'établissement. L'interdiction ne s'applique pas :

1° Lorsque la durée du contrat de mission n'est pas susceptible de renouvellement et n'excède pas trois mois ;

2° Lorsque le contrat est lié à la survenance dans l'entreprise, qu'il s'agisse de celle de l'entrepreneur principal ou de celle d'un sous-traitant, d'une commande exceptionnelle à l'exportation dont l'importance nécessite la mise en oeuvre de moyens quantitativement ou qualitativement exorbitants de ceux que l'entreprise utilise ordinairement. Cette possibilité de recrutement est subordonnée à l'information et à la consultation préalables du comité d'entreprise, ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe.

Les dérogations prévues aux 1° et 2° n'exonèrent pas l'employeur de respecter la priorité de réembauche prévue à l'article L. 1233-45.

 

5)   Remplacement d’un médecin du travail 

Article L1251-10 

Outre les cas prévus à l'article L. 1251-9, il est interdit de recourir au travail temporaire :

3° Pour remplacer un médecin du travail.

Litige sur le cas de recours 

Requalification du contrat chez l’entreprise utilisatrice

Le code du travail indique dans son article L 1251-40 que le contrat peut être requalifié en contrat CDI dans l’entreprise utilisatrice dans les cas où le recours au contrat de travail temporaire se fait en dehors des cas autorisés. 

Article L1251-40 

Lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

  • Cas numéro 1 : non respect de certaines règles du contrat temporaire.

Cela concerne les règles suivantes :

  • Les cas de recours au travail temporaire;
  • Les durées maximales des contrats et les contrats que l’on ne peut pas rédiger sans terme précis;
  • Lorsque les possibilités d’aménagement du contrat ne sont pas respectées dans leurs règles;
  • Lorsque les conditions de renouvellement limité ne sont pas respectées. 
  • Cas numéro 2 : l’intérimaire continue à travailler au-delà du contrat

Article L1251-39 

Lorsque l'entreprise utilisatrice continue de faire travailler un salarié temporaire après la fin de sa mission sans avoir conclu avec lui un contrat de travail ou sans nouveau contrat de mise à disposition, ce salarié est réputé lié à l'entreprise utilisatrice par un contrat de travail à durée indéterminée.

Dans ce cas, l'ancienneté du salarié est appréciée en tenant compte du premier jour de sa mission au sein de cette entreprise. Elle est déduite de la période d'essai éventuellement prévue. 

  • Cas numéro 3 : en cas d’absence de qualification du salarié remplacé

Cour de cassation 17/03/2010 arrêt 08-44880

La cour de cassation dans de nombreux arrêts a indiqué que le salarié était en droit de faire valoir ses droits dés l’accomplissement de sa 1ère mission « irrégulière ». 

Cour de cassation 21/01/2004 arrêt 03-42769

Cour de cassation 15/03/2006 arrêt 04-48548

L’entreprise utilisatrice doit rapporter la preuve de la réalité du motif

En cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire, c’est à l’entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de mission !

Arrêt de la Cour de cassation du 28/11/2007, arrêt 06-44843.

Cas de recours non autorisé : fin de mission = licenciement sans cause réelle et sérieuse

Lorsque l’entreprise confie à un intérimaire un poste qui s’inscrit en réalité dans son activité normale et permanente, le travail temporaire peut alors faire :

  • Juger qu’il est lié à l’entreprise utilisatrice par un contrat de travail ;
  • Que la fin de mission s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Article L1251-5 

Le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Article L1251-40 

Lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

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