L’employeur qui paye les contraventions des salariés au code de la route ne peut pas se faire rembourser !

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Indemnité de licenciement

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Cet article a été publié il y a 10 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

C’est une question récurrente que se posent les employeurs concernant les contraventions au code de la route dont sont à l’origine leurs salariés : peuvent-elles alors en obtenir le remboursement ?

La Cour de cassation dans un arrêt récent apporte une précision importante, raison pour laquelle nous vous proposons la présente actualité. 

L’affaire concernée 

Un salarié est engagé, en qualité de directeur commercial, à compter du 5 mai 2008.

Il est licencié pour faute grave, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 mai 2009, après avoir été mis à pied à titre conservatoire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 mars 2009.

Le salarié saisit la juridiction prud’homale, contestant son licenciement. 

Dans le cadre d’une demande reconventionnelle, l’employeur demande la compensation entre les rappels de salaire (auxquels il avait été condamné) et les contraventions dues par le salarié dont le montant atteint la somme de 587,40€. 

Précision sur les demandes reconventionnelles

Cela constitue un exemple de défense d’un employeur par exemple.

Dans ce cas, le défendeur va présenter à son tour une demande visant à obtenir réparation.

Ces demandes peuvent être formulées à tout moment de la procédure, tout en respectant le principe « du contradictoire » (celui qui a engagé la 1ère action devant alors être prévenu suffisamment à l’avance afin de lui permettre de préparer sa propre défense). 

Quelques exemples de demandes reconventionnelles :

  • Dans le cas présent, l’employeur est condamné à verser des rappels de salaire mais dans le cadre d’une demande reconventionnelle désire obtenir le remboursement des amendes pour infraction au code de la route ;
  • Un salarié quitte l’entreprise sans effectuer le préavis auquel il est soumis. Il saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir le paiement de certaines sommes. Son employeur demande au Conseil de prud’hommes la condamnation à lui verser une indemnité au titre du préavis non effectué.

L’arrêt de la Cour de cassation 

Les juges de la Cour de cassation rappellent à l’employeur qu’il n’est pas en droit de déduire du salaire le montant des contraventions au code de la route, quand bien même il s’agisse d’un véhicule professionnel. 

Extrait de l’arrêt : 

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande reconventionnelle en remboursement d'une certaine somme représentant les contraventions pour stationnement irrégulier et excès de vitesse commis par le salarié lors de la conduite du véhicule professionnel mis à sa disposition alors, selon le moyen :
1°/ que la compensation judiciaire ordonnée par le juge entre les rappels de salaires alloués au salarié et les contraventions dues par ce dernier à l'employeur ne constitue pas une retenue sur salaire unilatéralement opérée par l'employeur ; qu'en refusant de condamner M. X... à rembourser à la société G… le montant des contraventions pour stationnement irrégulier et excès de vitesse qu'il avait commis avec le véhicule professionnel mis à sa disposition, conformément aux stipulations de son contrat de travail, au motif que la retenue sur salaire pour le remboursement des contraventions afférentes à un véhicule professionnel mis au service du salarié serait illégale, lorsqu'aucune retenue n'avait été pratiquée par l'employeur qui se bornait à solliciter en justice le remboursement des sommes dues par le salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 3251-1 du code du travail par fausse application ;
2°/ que la cour d'appel a condamné la société G… à verser à M. X... des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'une part, et pour non-respect du forfait jours d'autre part, et non des rappels de salaires, de sorte que la compensation judiciaire entre ces sommes et le remboursement des contraventions à la charge du salarié ne pouvait en aucun cas porter atteinte à son salaire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 3251-1 du code du travail ;
Mais attendu que l'employeur n'a pas invoqué la faute lourde de son salarié alors que seule celle-ci permet à un employeur d'engager la responsabilité civile de son salarié ; que par ce motif, substitué à ceux justement critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ; (…)
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi

Compensation et sanction pécuniaire 

Dans l’affaire présente, la Cour de cassation (confirmant l’arrêt de la cour d’appel) indique qu’un employeur n’est pas en droit d’opérer une retenue sur salaire afin d’obtenir le remboursement de contraventions.

Nous pourrions d’ailleurs assimiler une telle retenue à une « sanction pécuniaire » dont l’usage est interdit par le Code du travail.

Rappelons qu’il n’existe pas de définition légale, mais qu’il est de jurisprudence constante de considérer qu’une sanction pécuniaire correspond à une retenue sur la rémunération d’un salarié, qui a réalisé une prestation de salaire. 

Article L1331-2 

Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites.

Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite.

Exemples de sanctions pécuniaires prohibées 

  • La suppression d’une prime « d’objectifs » en raison du licenciement d’un salarié ;

Cour de cassation 20/12/2006 pourvoi 05-45365

  • Retenue au titre d’une exécution volontairement défectueuse d’un travail ;

Cour de cassation 16/03/1994 pourvoi 91-43349

  • Retenue au titre d’un manque de motivation au travail ;

Cour de cassation 2/12/1992 pourvoi 89-43162

  • Diminution à titre disciplinaire de l’horaire mensuel de travail ;

Cour de cassation 24/10/1991 pourvoi 90-41537

  • Exclure certains salariés d’une augmentation de salaires décidée pour l’ensemble du personnel au motif qu’ils ont eu un comportement reprochable.

 Cass soc 19 juillet 1995 n°91-45401

Ne constituent pas une sanction pécuniaire prohibée

Il convient bien entendu de ne pas généraliser, en cela toute retenue sur salaire serait impossible. 

Ne sont ainsi pas considérées comme des sanctions pécuniaires interdites :

  • La retenue sur salaire au titre d’une absence pour convenance personnelle du salarié ;
  • La retenue sur la rémunération au titre d’une absence injustifiée ;
  • La retenue sur salaire au titre des heures de grève (en prenant la précaution de ne pas préciser sur le bulletin de paie le motif de l’absence, évitant ainsi d’indiquer « absence pour grève ») ;
  • Une mesure de rétrogradation si la diminution de la rémunération qu’elle entraîne résulte de l’affectation du salarié concerné à un poste de moindre qualification ;
  • La réclamation de sommes indûment perçues par un salarié ;
  • Etc.  

Que peut faire l'employeur alors ? 

Prouver la faute lourde du salarié

Comme le rappelle la Cour de cassation dans l’affaire présente, la seule possibilité qui s’offrait à l’entreprise d’obtenir le remboursement des amendes aurait été de se placer sur le terrain de la responsabilité civile du salarié.

Il aurait été nécessaire alors de prouver l’intention de nuire à l’employeur, synonyme de faute lourde, ce qui n’est pas chose aisée… 

Extrait de l’arrêt : 

Mais attendu que l'employeur n'a pas invoqué la faute lourde de son salarié alors que seule celle-ci permet à un employeur d'engager la responsabilité civile de son salarié ; que par ce motif, substitué à ceux justement critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ; (…)
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi 

Renvoyer l’avis de contravention à l’administration

L’autre solution serait pour l’entreprise d’utiliser l’article L 121-2 du Code de la route qui indique que :

  • Si la carte grise du véhicule est au nom de l’entreprise ;
  • Alors elle est redevable de l’amende sauf qu’elle fournisse des renseignements permettant d’identifier l’auteur véritable de l’infraction commise.

Article L121-2

Modifié par LOI n°2011-1862 du 13 décembre 2011 - art. 31 

Par dérogation aux dispositions de l'article L. 121-1, le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule est responsable pécuniairement des infractions à la réglementation sur le stationnement des véhicules ou sur l'acquittement des péages pour lesquelles seule une peine d'amende est encourue, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un événement de force majeure ou qu'il ne fournisse des renseignements permettant d'identifier l'auteur véritable de l'infraction.

Dans le cas où le véhicule était loué à un tiers, cette responsabilité pèse, avec les mêmes réserves, sur le locataire.

Dans le cas où le véhicule a été cédé, cette responsabilité pèse, avec les mêmes réserves, sur l'acquéreur du véhicule.

Lorsque le certificat d'immatriculation du véhicule est établi au nom d'une personne morale, la responsabilité pécuniaire prévue au premier alinéa incombe, sous les mêmes réserves, au représentant légal de cette personne morale

Concrètement, l’entreprise devra alors :

  • Renvoyer à l’administration l’avis de contravention ;
  • En indiquant le nom et l’adresse du salarié responsable de l’infraction.

Ce sera alors au salarié de s’acquitter directement du montant de l’amende, faisant peser le risque qu’il soit privé éventuellement de points sur son permis de conduire et provoquer un souci d’organisation possible…

 

Références

Cour de cassation  chambre sociale  Audience publique du mercredi 17 avril 2013
N° de pourvoi: 11-27550  Non publié au bulletin

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