Le licenciement, prononcé en raison de doutes sur des arrêts de travail, est nul

Jurisprudence
Licenciement

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Une salariée est engagée depuis 1988 en qualité de « superviseur péage ».

A la suite de deux arrêts de travail pour maladie, la salariée est licenciée. 

L’employeur motive la rupture du contrat de travail, non sur l’état de santé de la salariée, mais parce que selon lui, le motif invoqué par la salariée à l'appui de ses deux arrêts de travail, à savoir la maladie, n'était pas réel, la salariée ayant en réalité décidé de s'octroyer des journées de congés payés qui lui avaient été refusées en leur temps. 

La salariée saisit la juridiction prud’homale estimant son licenciement nul. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute la salariée de sa demande.

Les juges retiennent l’argument de l’employeur selon lequel le licenciement n’a pas été prononcé en raison de l’état de santé de la salariée, mais sur les doutes concernant la véracité de la maladie objet de l’arrêt de travail.

La Cour de cassation n’est pas du même avis, casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.

Elle considère qu'il résulte de la lettre de licenciement qu'il est fait grief à la salariée ses absences pour maladie, en l'absence de tout constat d'inaptitude au travail par le médecin du travail, en conséquence la nullité du licenciement doit être prononcée en l’espèce. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de la lettre de licenciement produite aux débats et qui fixe les limites du litige qu'il était fait grief à la salariée, en l'absence de tout constat d'inaptitude au travail par le médecin du travail, de ses absences pour maladie, prenant, selon l'employeur, un caractère suspect du fait des circonstances, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a condamné la société A…à payer à Mme X... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, l'arrêt rendu le 11 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Cour de cassation du , pourvoi n°13-11873

Profitons de la présente affaire pour rappeler les nombreuses conséquences qu’entraîne la nullité d’un licenciement. 

Les cas permettant de prononcer la nullité d’un licenciement

Il existe de nombreux cas pour lesquels le juge peut prononcer la nullité du licenciement :

  • Licenciement pour victimes de harcèlement, de discrimination ou personnes ayant relaté ou témoigné de tels agissements (articles L 1132-1 à L 1132-4, L 1152-2 et L 1152-3, L 1153-2 à L 1153-4 du Code du travail) ;
  • Violation du principe d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (article L 1144-3 du Code du travail) ;
  • Licenciement prononcé en méconnaissance du droit de grève (articles L 1132-2 et L 1132-4 du Code du travail) ;
  • Licenciement prononcé pendant un arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou maladie professionnelle (sauf faute grave sans rapport avec l’arrêt de travail) (articles L 1226-13, L 1226-9 et L 1226-18 du Code du travail) ;
  • Licenciement prononcé en méconnaissance de la protection des représentants du personnel, représentants syndicaux (articles L 1132-1 à L 1132-4 du Code du travail) ;
  • Licenciement prononcé en méconnaissance de la protection des femmes enceintes (articles L 1225-4 et L 1225-5 du Code du travail) ;
  • Licenciement prononcé pour des opinions religieuses, syndicales, situation de famille (articles L 1132-1 à L 1132-4, du Code du travail).

Effet de la prise d’acte 

Rappelons que la prise d’acte de rupture du contrat de travail par un salarié protégé produit les effets d’un licenciement nul.

Résiliation judiciaire 

Signalons également que la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur, notamment pour des faits de harcèlement moral produit alors les effets d’un licenciement nul.

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'après avoir estimé que la salariée était fondée à solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, en raison notamment du harcèlement moral dont elle avait été victime sur son lieu de travail, la cour d'appel a énoncé à bon droit que cette rupture produisait les effets d'un licenciement nul conformément aux dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du 20/02/2013 pourvoi 11-26560

Première conséquence : la réintégration

Droit à la réintégration 

A la différence du licenciement sans cause réelle et sérieuse, le droit à la réintégration du salarié dans l’entreprise est ouvert sans condition d’ancienneté ou d’effectif de l’entreprise.

Cette réintégration s’impose à l’employeur.

Salaires dus en cas de réintégration 

Lorsque le salarié est réintégré dans l’entreprise, il doit percevoir l’intégralité des salaires « perdus » entre son licenciement et sa réintégration dans l’entreprise.

Cour de cassation du 25/01/2006 pourvoi 03-47517

Salaires dus en cas de réintégration : déduire certaines sommes 

Lorsque le salarié est réintégré, il doit il doit percevoir l’intégralité des salaires « perdus » entre son licenciement et sa réintégration dans l’entreprise, sont toutefois à déduire les revenus de remplacement et les rémunérations éventuellement perçues. 

Cour de cassation du 12/02/2008 pourvoi 07-40413

Salaires dus en cas de réintégration : impossible de déduire certaines sommes 

Bien entendu, à toute règle qui existe notre métier cohabitent toujours des exceptions, n’est ainsi pas possible la déduction de sommes perçues entre le licenciement et la réintégration, y compris les revenus de remplacement pour les cas suivants : 

  • Les salariés grévistes 

Cour de cassation du 2/02/2006 pourvoi 03-47481

  • Les salariés victimes d’une discrimination syndicale; 

Cour de cassation du 2/06/2010 pourvois 08-43277 08-43369

  • Les salariés licenciés en raison de leur état de santé. 

Cour de cassation du 11/07/2010 pourvoi 10-15905

Deuxième conséquence : paiement indemnités en l’absence de réintégration

Lorsque le salarié ne demande pas sa réintégration, ou si celle-ci n’est pas matériellement possible, doivent alors être versées les indemnités qui suivent. 

Indemnité égale à 6 mois de salaire 

Au regard de l’article L 1134-4 du code du travail, le salarié doit percevoir des dommages et intérêts visant à réparer le préjudice subi.

Le montant des sommes à verser est souverainement apprécié par les juges, sans toutefois que sa valeur ne soit inférieure aux salaires des 6 derniers mois.

Article L1134-4

Modifié par LOI n°2008-126 du 13 février 2008 - art. 16

Est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur, sur le fondement des dispositions du chapitre II, lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.

Lorsque le salarié refuse de poursuivre l'exécution du contrat de travail, le conseil de prud'hommes lui alloue :

1° Une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

2° Une indemnité correspondant à l'indemnité de licenciement prévue par l'article L.1234-9 ou par la convention ou l'accord collectif applicable ou le contrat de travail.

L'article L.1235-4, relatif au remboursement à l'institution mentionnée à l'article L.5312-1, pour le compte de l'organisme mentionné à l'article L.5427-1, des indemnités de chômage payées au salarié en cas de licenciement fautif, est également applicable.

Cette somme est due, quelle que soit l’ancienneté du salarié et effectif de l’entreprise. 

Cour de cassation du 14/04/2010, pourvoi 09-40486 

Indemnité due dans le cas d’une absence ou nullité d’un PSE 

La valeur minimale de l’indemnité due est alors portée à :

  • 12 mois de salaires si le salarié a au moins 2 ans d’ancienneté ;
  • Ou à la réparation du préjudice subi si l’ancienneté du salarié est inférieure à 2 ans.

Article L1235-11

Modifié par LOI n° 2013-504 du 14 juin 2013 - art. 18 (V)

Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois

Article L1235-14

Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré par un employeur employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à la sanction :

1° De la nullité du licenciement, prévues à l'article L. 1235-11 ;

2° Du non-respect de la procédure de consultation des représentants du personnel et d'information de l'autorité administrative, prévues à l'article L. 1235-12 ;

3° Du non-respect de la priorité de réembauche, prévues à l'article L. 1235-13.

Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Indemnité due pour un salarié protégé 

Dans ce cas, par exemple en cas de prise d’acte justifiée qui produit les effets d’un licenciement nul pour un salarié protégé, l’indemnité correspond à l’intégralité de la rémunération que le salarié aurait perçue entre le licenciement et la fin de la période de protection.

Troisième conséquence : paiement de l’indemnité compensatrice de préavis

Lorsque le juge prononce la nullité du licenciement, celle-ci entraîne le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis.

Cas particulier 

La Cour de cassation en prononçant la nullité d’une mise à la retraite, confirme que celle-ci n’ouvre pas droit au versement d’une indemnité compensatrice lorsque la rupture du contrat a été précédée d’un délai de préavis au moins égale à celle du préavis de licenciement. 

Extrait de l’arrêt

Attendu que si, en cas de nullité du licenciement, le salarié a droit, en principe, au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, la requalification de la mise à la retraite en licenciement nul n'ouvre toutefois pas droit au paiement d'une telle indemnité lorsque la rupture du contrat a été précédée d'un délai de préavis d'une durée au moins égale à celle du préavis de licenciement ; 

Cour de cassation du 30/06/2010 pourvoi 09-41349

Quatrième conséquence : paiement de l’indemnité de licenciement

Même si cela semble évident, le salarié doit percevoir l’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle (en retenant la valeur la plus favorable des deux). 

Cinquième et dernière conséquence : remboursement des allocations chômage

Lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l’employeur peut être alors condamné à rembourser les allocations chômage dans la limite de 6 mois.

Cette possibilité n’est pas ouverte dans le cas d’un licenciement nul, sauf pour 2 cas particuliers prévus par le Code du travail : 

  • Licenciement d’un salarié suite à une action en justice engagée sur le fondement du principe de non discrimination ;  

Article L1134-4

Modifié par LOI n°2008-126 du 13 février 2008 - art. 16

Est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur, sur le fondement des dispositions du chapitre II, lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.

Lorsque le salarié refuse de poursuivre l'exécution du contrat de travail, le conseil de prud'hommes lui alloue :

1° Une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

2° Une indemnité correspondant à l'indemnité de licenciement prévue par l'article L. 1234-9 ou par la convention ou l'accord collectif applicable ou le contrat de travail.

L'article L. 1235-4, relatif au remboursement à l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1, pour le compte de l'organisme mentionné à l'article L. 5427-1, des indemnités de chômage payées au salarié en cas de licenciement fautif, est également applicable.

  • Licenciement d’un salarié suite à une action en justice engagée sur le fondement du principe des dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

Article L1144-3

Modifié par LOI n°2008-126 du 13 février 2008 - art. 16

Est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur sur le fondement des dispositions relatives à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est considéré comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.

Lorsque le salarié refuse de poursuivre l'exécution du contrat de travail, le conseil des prud'hommes lui alloue :

1° Une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

2° Une indemnité correspondant à l'indemnité de licenciement prévue par l'article L. 1234-9 ou par la convention ou l'accord collectif applicable ou le contrat de travail.

L'article L. 1235-4, relatif au remboursement à l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1, pour le compte de l'organisme mentionné à l'article L. 5427-1, des indemnités de chômage payées au salarié en cas de licenciement fautif est également applicable.

Article L1235-4

Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

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