Le rapport qui pourrait modifier le code du travail…

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Par lettre de mission du 1er avril 2015, le Premier ministre Manuel Valls avait chargé Monsieur Jean-Denis Combrexelle, président de la section sociale du Conseil d’État et ancien Directeur général du travail, d’une mission sur « l’élargissement de la place de l’accord collectif dans notre droit du travail et la construction de normes sociales ».

Ce rapport de 140 pages, intitulé « La négociation collective, le travail et l’emploi », a été remis le 9 septembre 2015 au Premier ministre.

Nous en avons pris connaissance et vous proposons de découvrir dans le présent article les propositions qui ont été faites à cette occasion.

Les 44 propositions contenues dans le rapport

Nous vous présentons des différentes propositions de façon synthétique, afin que vous puissiez rapidement en prendre connaissance.

Ces propositions s’articulent autour de 2 grands thèmes :

  • Créer une dynamique de la négociation ;
  • Donner de nouveaux champs à la négociation

Créer une dynamique de la négociation 

Selon nous, les propositions les plus « remarquables » sont les suivantes : 

  • La proposition 9 prévoyant une limitation législative dans le temps de la durée des accords d’entreprise professionnels de branche, le rapport constatant qu’une tradition française est actuellement de conclure des accords à durée indéterminée qui est une solution qui ne présente pas que des avantages selon le rapporteur ;
  • La proposition 10 qui vise à réformer les révisions des accords collectifs, permettant ainsi des adaptations plus rapides qu’actuellement, le rapport considérant que les nouvelles dispositions mises en place par la loi du 20/08/2008 (loi LDSTT) ont singulièrement compliqué les règles de dénonciation et de révision des accords  ;
  • Les propositions 12 et 13, visant à « professionnaliser » les négociateurs qui participent à l’élaboration des accords collectifs.

N° de proposition

Contenu

1

Élaborer une pédagogie de la négociation collective démontrant le caractère rationnel et nécessaire de celle-ci dans un contexte concurrentiel et de crise économique.

2

Mise en valeur des bonnes pratiques des entreprises et des syndicats sur les moyens d’établir une confiance réciproque, notamment dans la présentation, le partage et l’utilisation d’informations stratégiques.

3

Organisation des DRH et positionnement des responsables des relations sociales au sein de l’entreprise en fonction des exigences de la négociation collective. Prise en compte de l’aptitude à la négociation comme un critère déterminant lors de l’évaluation de ces responsables.

4

Formations de qualité au dialogue social dans les écoles de commerce, les écoles d’ingénieurs, l’Université et les grandes écoles de la fonction publique.

5

Actions de sensibilisation sur la place de la négociation collective auprès des conseils en stratégie, des consultants, des avocats et des experts comptables, avec notamment une réunion régulière sous l’égide des ministres en charge du travail et de l’économie de l’ensemble des acteurs qui influent directement et indirectement sur la stratégie des entreprises et sur le social.

6

Pratique exemplaire de l’État dans les critères de choix des dirigeants de la sphère publique, dans leur capacité et leur goût à mener un dialogue social de qualité.

7

Reconnaissance renforcée dans le code du travail de la place des accords de méthode préalables à une négociation avec des règles souples concernant la négociation et le contentieux.

8

Mise en place de nouvelles pratiques de négociations insérant celles-ci dans un tempo plus économe en temps dans le cadre des accords de méthode.

9

Limitation législative dans le temps de la durée des accords d’entreprise et professionnels de branche.

10

Réforme des règles de révision des accords collectifs pour permettre des adaptations plus rapides.

11

Mise en place de 2 groupes de travail sur :

  1. Les conditions dans lesquelles il pourrait être donné davantage de place à la négociation collective pour anticiper le statut des salariés transférés et mieux définir le contenu des « avantages individuels acquis » ;
  2. L’application du principe d’égalité aux accords collectifs pour permettre leur évolution dans le temps.

12

Mise en place de formations communes syndicats/entreprises sur la base d’un cahier des charges établi par l’État, éventuellement prises en charge sur le fonds de financement du paritarisme pour les employeurs. Ces formations se feraient sans préjudice des formations syndicales particulières.

13

Confier à une mission une réflexion sur la place et le fonctionnement des instituts régionaux et supérieurs du travail.

14

Exigence d’un document établi par les signataires expliquant aux tiers l’économie générale de l’accord et de ses principales stipulations et d’une clause définissant les modalités d’interprétation de l’accord par les signataires.

15

Exigence d’une stipulation contenue dans l’accord collectif, le cas échéant par référence à l’accord de méthode, définissant les conditions dans lesquelles son contenu sera porté à la connaissance des salariés concernés.

16

Renforcer la recherche, sous l’égide de la DARES et de France Stratégie, sur l’étude économique de la négociation collective et du dialogue social et mettre en place des outils permettant à la DARES et à la DGT d’assurer un meilleur suivi qualitatif de la négociation notamment au niveau de l’entreprise.

17

Concevoir une plateforme nationale, notamment numérique, permettant la mise en commun et la diffusion des données et connaissances sur la négociation collective.

18

Maintien de l’extension des accords de branche par le ministère du travail.

19

Faculté reconnue aux services déconcentrés de l’État de contester les clauses des accords collectifs d’entreprise (à l’exception des accords portant sur les PSE) devant le Tribunal de grande instance.

20

Encadrement de l’utilisation par l’État des dispositifs de « négociation administrée » à quelques domaines caractérisés par d’impératives exigences d’intérêt général et par l’insuffisance de la négociation collective de droit commun.

21

Encadrement dans le temps des conditions de recours judiciaire contre les accords collectifs avec application de règles inspirées du contentieux des actes règlementaires

22

Ouverture des formations à la négociation collective aux magistrats judiciaires et administratifs.

23

Mise en valeur des bonnes pratiques concernant le dialogue social informel et des accords d’entreprise intégrant des dispositifs participatifs à destination des Institutions représentatives du personnel lors d’événements importants concernant l’entreprise et ses salariés.

Donner de nouveaux champs à la négociation 

Dans son préambule, est évoquée l’idée actuellement la plus médiatisée, à savoir la « refonte du code du travail »

Selon nous, les propositions les plus « remarquables » sont les suivantes : 

  • Les propositions 24 et 25 que le rapport schématise en évoquant une « régulation du flux normatif », visant ainsi à « stabiliser le flux normatif qui atteint des proportions déraisonnables au point que même les directions des ressources humaines des plus grands groupes peinent à suivre ». Est également envisagé le principe britannique du « one in, one out », selon lequel « il faudrait faire en sorte, conformément aux circulaires du Premier ministre, que tout texte nouveau soit gagé par la suppression d’un texte obsolète afin d’empêcher la constitution de strates successives qui sont dévastatrices pour la bonne compréhension du code »;
  • Les propositions 26 et 27 qui ont pour objectif de procéder à une « nouvelle architecture du code du travail ». la proposition 27 est de loin la plus commentée car elle s’attaque aux conditions de travail mais surtout au temps de travail (le rapporteur envisageant à ce propos de fixer par accord collectif le seuil à partir duquel les heures supplémentaires pourraient être majorées, idée rejeté immédiatement par le Premier ministre d’ailleurs lors d’une conférence de presse sans doute soucieux de ne pas relancer le débat actuel sur les 35 heures…) ;
  •  La proposition 42 qui aurait pour objectif d’instituer une règle faisant prévaloir, dans l’intérêt général et l’intérêt collectif des salariés pour l’emploi, les accords collectifs préservant l’emploi sur les contrats de travail. 

Nous noterons au passage l’apparition d’un nouvel acronyme : ACTES pour Accords sur les Conditions et Temps de travail, l’Emploi et les Salaires.

En effet, l’un des objectifs que nous avons identifié dans ce rapport est de trouver les moyens de développer la négociation d'entreprise, préconisant ainsi les 4 domaines de prédilection que visent les ACTES. 

N° de proposition

Contenu

24

Limitation du nombre de réformes législatives du droit du travail en fixant un agenda social annuel et en le respectant.

25

Application du principe selon lequel toute disposition nouvelle du code du travail doit être gagée par l’abrogation d’une disposition devenue obsolète du même code.

26

Projet, à moyen terme c’est-à-dire dans un délai maximal de 4 ans, d’une nouvelle architecture du code du travail faisant le partage entre les dispositions impératives, le renvoi à la négociation collective et les dispositions supplétives en l’absence d’accord.

27

Projet, à court terme c’est-à-dire dans le courant de l’année 2016, d’une modification du code du travail concernant les conditions de travail, le temps de travail, l’emploi et les salaires.

28

Maintien du principe de la concertation préalable prévu par l’article L.1 du code du travail en l’assortissant de la faculté pour les partenaires sociaux de recourir soit à la forme de l’accord national interprofessionnel soit à la forme de la « position commune » qui se borne à la définition des principes essentiels.

29

Inscription dans le Préambule de la Constitution des grands principes de la négociation collective. 

30

Extension de la négociation collective dans les champs prioritaires que sont les conditions de travail, le temps de travail, l’emploi et les salaires (ACTES, Accords sur les Conditions et Temps de travail, l’Emploi et les Salaires).

31

Ouverture à la négociation collective des nouveaux champs des relations du travail : responsabilité sociale des entreprises (RSE) et, avec un mandat de la loi, économie digitale.

32

Définition des quatre missions de la branche, dans un premier temps, dans les champs prioritaires des accords ACTES.

33

Définition, dans un premier temps pour un délai de 3 ans, d’un mécanisme de fusion des branches qui représentent moins de 5.000 salariés avec une convention collective d’accueil.

34

Faculté, par accord majoritaire, de regrouper en 2 catégories de thèmes la négociation des accords d’entreprise et de leur fixer une périodicité quadriennale avec « clause de revoyure » annuelle.

35

Sous réserve de l’ordre public défini par le code du travail et l’accord de branche, priorité donnée à l’accord collectif d’entreprise dans les champs prioritaires des accords ACTES. Un bilan de la mesure, pour apprécier l’opportunité de son maintien, serait dressé tous les 4 ans à l’occasion de chaque nouveau cycle de la représentativité patronale et syndicale.

36

Assimilation législative de l’accord de groupe aux accords d’entreprise.

37

Prévoir que les accords de groupe organisent l’articulation accords de groupe/entreprises/établissements.

38

Édiction d’accords type d’entreprise par les branches dans leur rôle de prestation de services à l’égard des TPE.

39

Reconnaissance législative mais avec un encadrement très souple des « dispositifs territoriaux négociés ».

40

Lancement d’une expérimentation relative aux accords collectifs concernant les filières et les sous-traitants dans le cadre de la notion de l’« entreprise étendue ».

41

Mise en valeur des bonnes pratiques des accords transnationaux et meilleure articulation entre accords transnationaux et accords nationaux.

42

Institution d’une règle faisant prévaloir, dans l’intérêt général et l’intérêt collectif des salariés pour l’emploi, les accords collectifs préservant l’emploi sur les contrats de travail.

43

Généralisation du principe de l’accord majoritaire d’entreprise à compter de 2017.

44

Mise en œuvre d’une large concertation avec les partenaires sociaux sur la base des propositions du rapport.

Agenda de la réforme

Au sein du rapport, figure un agenda de la réforme en 2 temps :

  • A court terme (courant 2016) ;
  • A moyen terme

Agenda de la réforme à court terme 

Les points suivants seraient abordés courant de l’année 2016 : 

  • Stabiliser la norme législative en fixant un agenda social annuel strict ;
  • Recourir à un texte de niveau législatif (loi ou ordonnance de l’article 38 de la Constitution) pour étendre et rationaliser la négociation dans les champs prioritaires des accords ACTES (Accords sur les Conditions et Temps de travail, l’Emploi et les Salaires) ;
  • Prévoir dans le même texte des dispositions générales sur la négociation collective (place des accords de méthode, limitation législative dans le temps de la durée des accords d’entreprise et professionnels de branche, accords de groupe, etc.) ;
  • Prévoir dans le même texte des mécanismes permettant l’accélération de la restructuration des branches. 

Agenda de la réforme à court terme 

  • Nouvelle architecture du code du travail (délai de 4 ans à compter de la loi fixant le principe de la nouvelle architecture) ;
  • Révision constitutionnelle intégrant dans le Préambule les principes de la négociation collective.

Référence

Rapport Combrexelle « La négociation collective, le travail et l’emploi » remis au Premier ministre le 9 septembre 2015

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