Vapoter : il n’est pas interdit d’interdire selon le Conseil d’État

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Le Conseil d’État a été saisi par le Premier ministre d’une demande d’avis portant sur les conditions d’usage de la cigarette électronique. La teneur de cet avis en date du 17 octobre 2013, ayant été rendue publique par le Premier ministre, il a été récemment publié dans son intégralité par le Conseil d’État.

A la lecture des 13 pages que contient le document, nous pourrions être tentés de résumer qu’il n’est pas « interdit d’interdire » le vapotage dans les lieux de travail, dans des conditions similaires à celles qui sont actuellement en vigueur pour le fait de fumer. 

Le statut juridique de la cigarette électronique

Le Conseil d’État rappelle que le statut juridique de la cigarette électronique est actuellement en cours de définition. 

C’est ainsi que la « e-cigarette » peut ainsi recevoir une double définition comme suit :

  • Soit être considérée comme un médicament, dans le sens où elle peut représenter un outil permettant de supprimer l’envoi de fumer ou l’accoutumance au tabac ;
  • Soit elle est considérée comme un produit de consommation courante qui doit répondre aux obligations générales de sécurité des produits et aux normes particulières applicables aux substances qui le composent (teneur en nicotine, respect des normes applicables à la compatibilité électromagnétique des appareils électriques). 

Extrait de l’avis 387.797 du Conseil d’État

En France, le statut juridique de la cigarette électronique est en cours de définition. Actuellement, la cigarette électronique est susceptible de recevoir une double définition :

- soit elle est considérée comme un médicament au sens de l’article L. 5121-5 du code de la santé publique qui dispose que « sont considérés comme médicaments les produits présentés comme supprimant l'envie de fumer ou réduisant l'accoutumance au tabac ». L’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) précise que ces produits doivent revendiquer une capacité d’aide au sevrage tabagique et contenir plus de 10 mg de nicotine avec une concentration supérieure ou égale à 20 mg/ml pour être regardés comme des médicaments et faire l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché.

- soit, si elle ne répond pas à cette définition, elle est considérée comme un produit de consommation courante qui doit répondre aux obligations générales de sécurité des produits et aux normes particulières applicables aux substances qui le composent. Ainsi, lorsque les recharges contiennent 0,1 % de nicotine, substance considérée comme dangereuse par le règlement européen n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, elles doivent respecter les règles d’étiquetage. Elles doivent également respecter les normes applicables à la compatibilité électromagnétique des appareils électriques.

  

Les dispositions légales sur l’usage du tabac sont-elles applicables à la cigarette électronique ?

A la question de savoir si les dispositions de l’article L. 3511-7 du code de la santé publique sont applicables à la cigarette électronique, la réponse du Conseil d’État est négative.

Constatant que la cigarette électronique ne reposant pas sur un processus de combustion (et pouvant, en outre, être ou non composée de nicotine), il n’est pas possible, en l’état actuel de la législation, de considérer, sans risque juridique, que les textes relatifs à l’interdiction de fumer peuvent s’appliquer à la cigarette électronique. 

Il est rappelé que le Conseil d’État du Luxembourg a d’ailleurs déjà pris la même position.

Extrait de l’avis 387.797 du Conseil d’État

B. Sur la question n° 1 : Les dispositions de l’article L. 3511-7 du code de la santé publique et les mesures prises pour son application sont-elles applicables à la cigarette électronique ?

L’article L. 3511-7 interdit non pas l’usage de tabac dans les lieux affectés à un usage collectif, mais plus largement le fait de fumer dans ces lieux. En effet, il dispose : « Il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, notamment scolaire, et dans les moyens de transport collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs ». En outre, les produits du tabac mentionnés à l’article L. 3511-1 du code de la santé publique sont définis moins par leur contenu qu’en raison de leur fonction. Ils sont en effet constitués de l’ensemble des produits destinés à être fumés, même s’ils ne contiennent pas de tabac. En l’absence de définition dans les textes de l’action consistant à fumer et d’une définition inclusive des produits du tabac dans le code de la santé publique ou le code général des impôts, il convient de se référer à l’acception commune de la notion de fumer qui désigne le fait de brûler du tabac et d’aspirer la fumée qui s’en dégage par la bouche. La cigarette électronique ne reposant pas sur un processus de combustion (et pouvant, en outre, être ou non composée de nicotine), il n’est pas possible, en l’état actuel de la législation, de considérer, sans risque juridique, que les textes relatifs à l’interdiction de fumer peuvent s’appliquer à la cigarette électronique. Le Conseil d’État du Luxembourg a d’ailleurs déjà pris la même position. Le Conseil d’État répond donc par la négative à la première question. 

  

Est-il possible d’interdire de vapoter sur les lieux de travail ? 

A la question qui nous intéresse directement, le Conseil d’État répond que : 

  • Des raisons particulières tenant aux exigences du bon déroulement du travail ou des conditions de transport peuvent, dans certaines conditions, justifier des mesures d’interdiction de l’usage de la cigarette électronique ;
  • L’employeur peut toujours, dans le cadre du règlement intérieur, justifier, dans les conditions fixées par l’article L. 1321-2 du code du travail, des mesures particulières de restriction lorsque le « vapotage » est incompatible avec les activités de l’entreprise, il est également loisible au législateur, pour des raisons similaires à celles évoquées au sujet des transports collectifs (promiscuité, longueur du temps partagé dans le même espace et confinement dans un espace réduit) et afin de garantir à l’ensemble des personnels d’une entreprise la possibilité de travailler dans de bonnes conditions, de restreindre la liberté de « vapoter » dans tous les espaces clos et collectifs ;
  • La restriction de vapotage, afin de ne pas risquer d’être jugée disproportionnée, devrait prévoir l’aménagement d’espaces réservés à l’usage de la cigarette électronique, comme c’est déjà le cas pour la cigarette traditionnelle. 

Extrait de l’avis 387.797 du Conseil d’État

b) Les lieux de travail et les moyens de transport collectif

Des raisons particulières tenant aux exigences du bon déroulement du travail ou des conditions de transport peuvent aussi, dans certaines conditions, justifier des mesures d’interdiction de l’usage de la cigarette électronique.

Concernant les moyens de transport collectif, leurs contingences particulières justifient que des restrictions soient édictées pour permettre aux voyageurs des déplacements dans de bonnes conditions. La promiscuité et le confinement de nombreux individus dans un espace réduit parfois pendant de longues durées, permettent déjà aux autorités compétentes, dans un souci de sauvegarde de la tranquillité publique, d’interdire certains comportements qui pourraient déranger les autres voyageurs et occasionner des troubles. Le décret du 22 mars 1942, pris en application de la loi du 15 juillet 1845, relatif à la police des chemins de fer, interdit notamment par son article 74 tout usage d’appareil ou instrument sonore (téléphone portable, radio, transistors). De même dans les transports aériens, les raisons de sécurité et de confinement conduisent la majorité des compagnies aériennes à interdire un tel usage durant les vols. Les mêmes motifs peuvent justifier que le législateur restreigne l’usage de la cigarette électronique dans tous les modes de transport collectif. Afin de ne pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté de « vapoter » et en l’absence de tout danger avéré pour la santé publique, il appartiendrait au législateur de limiter cette interdiction aux espaces fermés dans lesquels la gêne est réelle et de permettre, dans la mesure du possible, le « vapotage » dans certains espaces réservés.

Concernant les lieux de travail, si l’employeur peut toujours, dans le cadre du règlement intérieur, justifier, dans les conditions fixées par l’article L. 1321-2 du code du travail, des mesures particulières de restriction lorsque le « vapotage » est incompatible avec les activités de l’entreprise, il est également loisible au législateur, pour des raisons similaires à celles évoquées au sujet des transports collectifs (promiscuité, longueur du temps partagé dans le même espace et confinement dans un espace réduit) et afin de garantir à l’ensemble des personnels d’une entreprise la possibilité de travailler dans de bonnes conditions, de restreindre la liberté de « vapoter » dans tous les espaces clos et collectifs. Cette restriction, afin de ne pas risquer d’être jugée disproportionnée, devrait prévoir l’aménagement d’espaces réservés à l’usage de la cigarette électronique, comme c’est déjà le cas pour la cigarette traditionnelle.

  

Référence

Extrait de l’avis 387.797 du Conseil d’État, délibéré et adopté par l’Assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 17 octobre 2013, publié le 8/10/2014

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