Licencié pour avoir tenté… de gifler son patron !

Jurisprudence
Indemnité de licenciement

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Cet article a été publié il y a 12 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Un salarié est engagé en qualité de maçon le 19/05/2003 sous contrat CDD.

La relation contractuelle se poursuit en contrat CDI, le contrat CDD étant requalifié à compter du 26/08/2003. 

Le 18 décembre 2007, le salarié tente de gifler son employeur (accessoirement son propre père) au cours d’une altercation. 

Le salarié poursuit son activité le 19, 20 et 21 décembre 2007. 

Il se trouve par la suite en congés payés jusqu’au 2 janvier 2008 inclus. 

Une mise à pied conservatoire lui est notifié le 2 janvier 2008 puis lors de son entretien préalable du 16 janvier 2008, son licenciement pour faute grave lui est notifié et prend effet le 21 janvier 2008. 

Il saisit le Conseil de prud’hommes afin de contester son licenciement. 

Avant d’aborder le jugement de la Cour de cassation, la lecture d’un extrait de la lettre de licenciement s’impose et son contenu est assez …édifiant ! 

« A la suite de notre entretien préalable du 16 janvier 2008, au cours duquel vous étiez assisté d'un conseiller du salarié, nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave (…)

 Votre travail, n'a amené aucune remarque particulière, jusqu'en 2007, année à compter de laquelle tant votre travail que votre comportement se sont fortement dégradés.

En effet, nous avons eu à déplorer de votre part, de multiples agissements fautifs, ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien du 16 janvier 2008 (…)

Les 19 et 20 décembre 2007, toujours sur le chantier de Monsieur B..., vous avez passé deux jours sur la pose d'un carrelage, soir 16 heures de travail, alors que la durée initiale des travaux était fixée au maximum à 6 heures. Lorsqu'un de vos collègues vous a fait la remarque, vous avez osé répondre « pour ce que je suis payé, c'est bien » !

La mauvaise exécution et le retard du travail sont particulièrement préjudiciables à notre société, tant au regard du temps perdu à la reprise des travaux que de l'image ainsi véhiculée de l'entreprise, laquelle subit également votre comportement désinvolte et provocateur. (…)

En décembre 2007, toujours... sur le chantier de Monsieur C..., à …, vous êtes rentré en désaccord avec un de vos collègues de travail, Monsieur Benoit D... et avez failli vous battre avec ce dernier. Vous êtes également entré en conflit avec un autre de vos collègues Monsieur David E.... Un tel comportement est intolérable, et nonobstant les diverses remarques formulées à votre endroit, vous n'avez pas cru devoir améliorer votre attitude.(…)

 Enfin, le 18 décembre 2007, nous vous avions précisé de penser à nous réclamer un chèque afin de procéder au plein du réservoir du véhicule de l'entreprise. En cette occasion, il vous a été indiqué que le plein de gasoil du véhicule serait fait dans la journée, au magasin Géant, à côté du chantier. Contre toute attente, vous avez signalé devoir vous rendre à Ailly sur Somme, et que vous n'auriez pas suffisamment de carburant pour vous y rendre. A cette occasion, nous vous précisions que vous n'aviez pas à vous y rendre, dans la mesure où il ne s'agissait pas de votre trajet de travail, pour vous rendre au chantier. Vous n'avez pas jugé nécessaire d'avancer quelques euros pour procéder au plein de carburant, aux fins d'effectuer un trajet autre que celui devant mener au chantier, et êtes ainsi tombé en panne sur la rocade d'Amiens. Vous nous avez contacté, pour de l'aide, et étant à plus de 40 kms, nous vous avons précisé ne pas pouvoir intervenir personnellement, et nous vous avons conseillé de solliciter, le cas échéant, l'assistance de Monsieur Carlos X.... Contre toute attente, et alors que Monsieur Carlos X... vous suivait, vous avez cru devoir vous en prendre personnellement à moi, lors de mon retour à la société vers 18h30. Alors que je vous demandais s'il y avait un problème, vous m'avez rétorqué : « Oui mon gars il y a un problème (en me pointant du doigt), la prochaine fois le camion restera sur la rocade (..) la prochaine fois, ça ne se passera pas comme ça, ton camion t'ira le chercher toi-même, là où il sera. »

Vous avez même tenté de me gifler, me touchant l'oeil... Votre comportement témoigne d'un manque total de respect vis à vis de vos collègues et de votre employeur (accessoirement votre propre père).

Au surplus, vos attitudes qui s'ajoutent à d'autres incidents survenus en 2007 entravent la bonne marche de l'entreprise, nuit à son image et perturbent sa cohésion. Les explications recueillies auprès de vous au cours de l'entretien préalable du 16 janvier 2008 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits ; nous vous informons que nous avons en conséquence décidé de vous licencier pour faute grave. Compte tenu de la gravité des faits et de leurs conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, même pendant le temps de préavis. Nous vous confirmons pour les mêmes raisons la mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l'objet depuis le 2 janvier 2008 jusqu'à ce jour et qui ne vous sera pas rémunérée. Le licenciement prendra donc effet immédiatement dès réception de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement »

Sans grande surprise, la Cour d’appel déboute le salarié de sa demande, mais ce dernier insiste et se pourvoit en cassation. 

La Cour de cassation confirme le jugement de la Cour d’appel et rejette le pourvoi.

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°10-14179

A la lecture de cette affaire, vous pourriez être tentés de penser que le salarié avait peu de chance d’obtenir gain de cause. 

L’argumentation du salarié pouvait pourtant éventuellement être retenue. 

Le salarié indiquait que les faits qui lui étaient reprochés s’étaient produits le 18 décembre 2007.

Son activité s’était poursuivi les 3 jours suivants (19, 20 et 21 décembre 2007) puis il s’était retrouvé en congés payés. 

Ce n’est donc que le 2 janvier 2008, à son retour de congés qu’une mise à pied conservatoire avait été prononcée. 

Nota : rappelons que la mise à pied conservatoire ne constituait en aucune façon une sanction disciplinaire. 

Pour le salarié, un licenciement pour faute grave est celui qui implique que la présence du salarié dans l’entreprise est rendue impossible compte tenu de la gravité des faits reprochés.

Selon lui, la rupture du contrat de travail devait être prononcée immédiatement ou pas du tout !

Le salarié licencié considère que le fait que l’employeur (qui est rappelons-le son propre père !) réagisse tardivement « éteint » la possibilité de recourir à une faute grave pour prononcer le licenciement. 

Ce n’est pas l’avis des juges de la Cour de cassation qui considèrent dans leur jugement que la sanction a été prononcée dans un délai restreint.

Ce délai « restreint » permettant à l’employeur d’apprécier la gravité des faits au regard de leur importance. 

Retenons donc de cette affaire, que le licenciement pour faute grave doit être prononcé immédiatement ou dans un délai restreint comme l’indique cette affaire. 

 Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a retenu par une appréciation souveraine, que la procédure avait été engagée dans un délai restreint nécessaire à l'employeur pour la caractérisation et l'appréciation de la gravité des faits au regard de leur importance et de leur caractère répétitif ;

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