La Cour de cassation précise les conditions permettant de lever la clause de non-concurrence

Jurisprudence
RH Clause non concurrence

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Un salarié est engagé le 4 décembre 2007.

Licencié le 29 avril 2009, le salarié décide de saisir la juridiction prud'homale considérant que son employeur avait notamment renoncé à la clause de non-concurrence dans des conditions illicites. 

Dans l’affaire présente, le contrat de travail contenait une clause de non-concurrence, que l’employeur avait décidé de lever de façon unilatérale, le contrat de travail n’apportant sur ce point pas de précision sur cette possibilité. 

La Cour d’appel de Versailles, dans son arrêt du 17 septembre 2015, donne raison au salarié, considérant que :

  • La clause de non-concurrence insérée au contrat de travail ne prévoyait pas la possibilité pour l'employeur d'y renoncer unilatéralement ;
  • Mais ce dernier y avait pourtant renoncé sans l'accord du salarié ;
  • Le salarié ouvrait droit de ce fait, au titre de la réparation du préjudice subi, au versement de dommages-intérêts.

Extrait de l’arrêt :

Attendu qu'après avoir relevé que la clause de non-concurrence insérée au contrat de travail ne prévoyait pas la possibilité pour l'employeur d'y renoncer unilatéralement et que celui-ci y avait renoncé sans l'accord du salarié, la cour d'appel en a déduit, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, qu'eu égard à l'inopposabilité de cette renonciation et à défaut de contrepartie financière de la clause, le préjudice du salarié devait être réparé par l'allocation d'une somme à titre de dommages-intérêts  

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel sur ce point.

Cour de cassation du , pourvoi n°15-27078

L’affaire que nous commentons aujourd’hui est l’occasion pour nous de vous rappeler quelques notions importantes concernant la renonciation à la clause de non-concurrence.

Dans quelles conditions ?

Comme le confirme au passage l’arrêt de la Cour de cassation, confirmant celui de la cour d’appel, l’employeur qui souhaite renoncer à la clause de non-concurrence (on évoque parfois aussi les termes de « levée de la clause de non-concurrence), et en conséquence au versement de la contrepartie financière liée, doit vérifier que :

  • Cette possibilité est clairement indiquée au sein de la clause elle-même. 

L’affaire présente le confirme, mais un précédent arrêt de la Cour de cassation également 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que la cour d'appel a relevé, sans contradiction, que, d'une part, le contrat de travail ne prévoyait aucune possibilité de renonciation à la clause de non-concurrence, que, d'autre part, cette clause était stipulée aussi bien en faveur de l'employeur que du salarié en raison de sa contrepartie financière ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a décidé que l'employeur ne pouvait renoncer unilatéralement à l'exécution de la clause ; que le moyen n'est pas fondé ; 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 4 juin 1998 
N° de pourvoi: 95-41832 Publié au bulletin

A quel moment ?

Respect des dispositions conventionnelles 

La renonciation doit intervenir dans le délai prévu par la convention collective ou par défaut une clause du contrat de travail.

Défaut de précision 

Dans le cas où ni la convention collective, ni le contrat de travail n’apporte de précision sur le délai de renonciation, la Cour de cassation considère alors que l’employeur doit renoncer à la clause (s’il le souhaite) « au moment du licenciement ».

Nous remarquerons au passage qu’il peut y avoir interprétation sur la notion de « au moment du licenciement », il semble prudent en l’espèce de se baser sur la notification de ce dernier, à savoir la date d’envoi de lettre de licenciement ou de remise en main propre. 

Le même arrêt de la Cour de cassation considère que doit être considérée comme illicite la clause permettant de renoncer « à tout moment au cours de l'exécution de celle-ci », ne pouvant laisser le salarié « dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler ». 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que le salarié ne pouvant être laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler, la clause par laquelle l'employeur se réserve la faculté, après la rupture , de renoncer à la clause de non-concurrence à tout moment au cours de l'exécution de celle-ci doit être réputée non écrite ; qu'en l'absence de disposition conventionnelle ou contractuelle fixant valablement le délai de renonciation par l'employeur à la clause de non-concurrence, celui-ci ne peut être dispensé de verser la contrepartie financière de cette clause que s'il libère le salarié de son obligation de non-concurrence au moment du licenciement ; 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 13 juillet 2010 
N° de pourvoi: 09-41626 Publié au bulletin 

En cours de contrat ? 

La renonciation en cours d’exécution du contrat est totalement admise, sous réserve toutefois que cette renonciation soit expressément prévue.

La Cour de cassation admet par exemple la mention selon laquelle la clause puisse être levée « « à tout moment pendant l’exécution du contrat de travail ». 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre d'indemnité de non-concurrence, l'arrêt après avoir constaté que les parties étaient convenues d'une clause de non-concurrence pendant un délai d'un an à compter de la rupture du contrat de travail, renouvelable une fois, aux termes de laquelle l'entreprise pouvait lever ou réduire l'interdiction de concurrence, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et au plus tard dans les huit jours suivant la notification de rupture du contrat de travail, retient qu'il résulte des termes clairs de cette stipulation contractuelle que l'employeur pouvait renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence, à la seule condition que cette renonciation soit notifiée au salarié avant l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la notification de la rupture, que le salarié est mal fondé à soutenir que l'employeur ne pouvait y renoncer avant cette notification ; 
Attendu cependant que la clause de non-concurrence, dont la validité est subordonnée à l'existence d'une contrepartie financière, est stipulée dans l'intérêt de chacune des parties au contrat de travail, de sorte que l'employeur ne peut, sauf stipulation contraire, renoncer unilatéralement à cette clause, au cours de l'exécution de cette convention ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la clause de non-concurrence fixait un délai de renonciation à compter de la rupture du contrat de travail et qu'elle constatait que la renonciation par l'employeur au bénéfice de cette clause était intervenue au cours de l'exécution dudit contrat, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'employeur au paiement d'une somme de 12 240 euros à titre d'indemnité de non-concurrence, l'arrêt rendu le 27 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 11 mars 2015 
N° de pourvoi: 13-22257 
Publié au bulletin 

Sous quel délai en cas de rupture conventionnelle ? 

Un arrêt de la Cour de cassation est remarquable à ce sujet.

Il est ainsi précisé, que lorsque la clause prévoit que l’employeur dispose de la faculté de renoncer à la clause de non-concurrence au plus tard dans les 15 jours qui suivent la notification de la rupture, ce délai se décompte à compter de la date de rupture indiquée sur la convention de rupture, et non à compter de la date de signature du document. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de la contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence formée à l'encontre de la société (…) , l'arrêt retient que durant les deux années pendant lesquelles M. X... était tenu à une interdiction de concurrence, il a travaillé pour la société (…) qui exerce dans le même secteur d'activité que la société (…) , que ces deux sociétés appartiennent au même groupe, que le passage du salarié d'une société à l'autre était le résultat d'un accord entre lui et ses deux employeurs successifs, que la clause de non-concurrence ne s'est pas appliquée et de la même manière que le salarié n'aurait pu se voir reprocher une violation de la clause, il ne peut prétendre avoir respecté l'interdiction en travaillant pour la société (…);
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la société (…) n'avait pas délié le salarié de l'obligation de non-concurrence lors de la rupture du contrat de travail conclu avec la société (…), ce dont elle aurait dû déduire que l'intéressé, qui était tenu de respecter l'engagement qu'il avait souscrit jusqu'au terme initialement convenu, devait en percevoir la contrepartie financière, la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande en paiement de la contrepartie financière formée à l'encontre de la société (…) , l'arrêt rendu le 11 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble  

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 29 janvier 2014 
N° de pourvoi: 12-22116 Publié au bulletin 

Sort de la renonciation en cas de licenciement nul

Lorsqu’à l’occasion d’un licenciement reconnu nul, l’employeur a renoncé à la clause de non-concurrence au sein de la lettre de licenciement, il ne peut se prévaloir de cette renonciation.

Il en résulte alors qu’il doit verser au salarié, la contrepartie financière directement liée à la clause de non-concurrence.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que la société (…) fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme à titre de contrepartie financière de la clause de non-concurrence, alors, selon le moyen, que la nullité du licenciement d'une salariée ayant envoyé à l'employeur un certificat de grossesse, n'a pas d'effet sur la lettre de licenciement en ce que celle-ci dispense la salariée de la clause de non-concurrence, dès lors que celle-ci a refusé sa réintégration dans un délai raisonnable ; qu'en disant que la dispense par l'employeur de la clause de non-concurrence n'avait pas libéré la salariée, dès lors qu'elle avait été énoncée dans la lettre de licenciement et que ce dernier était nul du fait de l'envoi d'un certificat médical de grossesse, la cour d'appel a violé les articles L. 1225-5 du code du travail et 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu qu'en raison de la nullité de plein droit du licenciement, l'employeur ne pouvait se prévaloir des termes de la lettre de licenciement du 16 décembre 2005 informant la salariée qu'elle était libérée de la clause de non-concurrence, et relevé qu'à la suite de la rupture du contrat de travail le 13 janvier 2006 du fait de l'employeur, celui-ci n'avait pas libéré la salariée de la clause de non-concurrence, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; 
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 3 février 2010 
N° de pourvoi: 08-45105 Non publié au bulletin 

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