Rémunérations différentes selon le lieu de travail

Jurisprudence
Rémunération

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Constatant qu’une société applique dans ses établissements situés en Ile-de-France des barèmes de rémunération supérieurs à ceux qu'elle applique au sein de son établissement de Douai, un syndicat saisit un tribunal de grande instance, dénonçant l'atteinte portée au principe de l'égalité de traitement.

Le syndicat estime qu'il ne peut y avoir de différence de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou d'égale valeur que si elles reposent sur des raisons objectives. 

Dans son arrêt du 30 septembre 2014, la Cour d’appel de Douai déboute le syndicat de sa demande. 

Mais le syndicat décide de se pourvoir en cassation, estimant que la cour d’appel dans le présent arrêt a violé le principe « A travail égal, salaire égal ». 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, qu'il ne peut y avoir de différence de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou d'égale valeur que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; qu'en l'absence d'élément objectif tenant à l'activité ou aux conditions de travail présenté par l'employeur propre à justifier les différences de traitement observées entre les établissements d'une entreprise, ce dernier ne peut valablement justifier lesdites différences par la différence de niveaux de vie existant entre les bassins d'emploi dans lesquels sont situés ces établissements ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'existence de barèmes de rémunération différents entre les établissements de région parisienne de la société (…) et celui de Douai était justifiée, la cour d'appel a retenu que la différence de coût de la vie entre l'environnement proche de l'usine de Douai et celui des usines franciliennes était parfaitement établie ; qu'en statuant par ce motif inopérant, la cour d'appel a violé le principe « A travail égal, salaire égal » ; 

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel.

Ayant constaté que la disparité du coût de la vie invoquée par l'employeur pour justifier la différence de traitement qu'il avait mise en place entre les salariés d'un établissement situé en Ile-de-France et ceux d'un établissement de Douai était établie, la cour d'appel en a exactement déduit que cette différence de traitement reposait sur une justification objective pertinente. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'une différence de traitement établie par engagement unilatéral ne peut être pratiquée entre des salariés relevant d'établissements différents et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elle repose sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ;
Et attendu qu'ayant constaté que la disparité du coût de la vie invoquée par l'employeur pour justifier la différence de traitement qu'il avait mise en place entre les salariés d'un établissement situé en Ile-de-France et ceux d'un établissement de Douai était établie, la cour d'appel en a exactement déduit que cette différence de traitement reposait sur une justification objective pertinente ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°15-11386

Nous commençons notre partie commentaires, en vous présentant le communiqué réalisé par la Cour de cassation sur la présente affaire…

Communiqué : arrêt relatif à la rémunération des salariés de la société (...) (14.09.16)

Au sein d’une entreprise, les salariés qui effectuent un travail identique peuvent être rémunérés différemment lorsqu’ils exercent sur des zones géographiques où le coût de la vie n’est pas le même.

Les faits

Pour une même prestation de travail, la société Renault applique sur ses sites de production situés en Ile-de-France des barèmes de rémunération supérieurs à ceux qu’elle applique sur son site de production de Douai.
Un syndicat représentant des salariés a contesté cette différence de traitement.

Repères juridiques

Le principe « à travail égal, salaire égal » est consacré par le droit du travail. L’employeur est donc tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre tous ses salariés, homme ou femme, lorsqu’ils sont placés dans une situation identique.

Toutefois, la jurisprudence accepte une différence de traitement, si celle-ci repose sur des raisons objectives et pertinentes. 

La question posée à la Cour de cassation

La disparité du coût de la vie qui existe entre des zones géographiques sur lesquelles sont réalisées des prestations de travail identiques constitue-t-elle une raison objective et pertinente de rémunérer différemment les salariés d’une même entreprise ?

La réponse de la Cour de cassation

Une différence de traitement établie par un engagement unilatéral peut être pratiquée entre salariés d’une même entreprise lorsque ceux-ci relèvent d’établissements différents et qu’ils exercent un travail égal ou de valeur égale ; mais il faut, pour cela, que cette différence repose sur des raisons objectives dont le juge contrôle la réalité et la pertinence.

Dans cette affaire, la cour d’appel avait constaté que la disparité du coût de la vie invoquée par Renault pour justifier la différence de traitement entre les salariés des deux sites était établie.

La Cour de cassation le confirme : cette différence de traitement repose bien sur une justification objective pertinente.

Le pourvoi du syndicat est donc rejeté.

Cet arrêt a été rendu sur avis conforme de l’avocat général.

Et maintenant ? 

Le présent arrêt pose de nombreuses questions selon nous… 

Quels seront alors les critères à retenir pour justifier des niveaux de rémunération différents ? 

  • Devrons-nous retenir le prix des loyers ?
  • Distinguer également le prix de ces derniers, en faisant un comparatif entre « Paris intramuros » et sa proche banlieue ;
  • Devrons-nous retenir le prix d’un « panier type de courses » en séparant le coût d’une région dotée d’hypermarchés et d’une autre région qui n’en ont pas ;
  • Etc. 

Bref, nous risquons de parler encore longtemps du présent arrêt…

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