La suspension du permis de conduire ne motive pas obligatoirement un licenciement

Jurisprudence
Licenciement

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La présente affaire concerne un salarié dont le permis de conduire est suspendu pendant plusieurs mois, suite à quoi son employeur lui notifie son licenciement comme suit :

Extrait de l’arrêt :

« samedi 17 mars 2012, vous nous avez informés que dans la nuit du vendredi 16 mars au samedi 17 mars 2012, suite à un contrôle de police qui a révélé que vous conduisiez en état d'ivresse, votre permis de conduire vous a été retiré immédiatement.
Vous deviez nous informer de la durée de votre suspension, ce que vous avez fait lors de l'entretien en nous remettant un document stipulant que votre permis de conduire était suspendu pour une période de 4 mois dans l'attente d'un jugement par les autorités compétentes.
En conséquence, vous êtes dans l'incapacité d'exécuter les fonctions pour lesquelles vous avez été engagé en raison de la suspension de votre permis de conduire.
De fait, n'étant plus en mesure de répondre à vos obligations contrcatuelles, vous nous voyez contraints de rompre notre relation contractuelle »

Le salarié décide de saisir la juridiction prud’homale, estimant que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

Dans un premier temps, le conseil de prud’hommes donne raison au salarié, estimant que le caractère sérieux du licenciement n’était pas démontré.

Il relève en outre que le salarié était agent de service remplaçant et qu'il effectuait des tâches au magasin ou chez des clients lorsqu'il ne faisait pas de tournées. 

Extrait de l’arrêt :

« Le 17 mars 2012, M. X... a fait l'objet d'une suspension administrative de son permis de conduire pour une durée de quatre mois dans l'attente de la décision des autorités judiciaires et il en immédiatement informé son employeur.
(…) En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;
La cause doit être licite. Qu'elle est réelle si elle est établie, objective et exacte. Que le motif est sérieux s'il rend impossible la continuation du contrat de travail sans dommages pour l'entreprise.
Le motif du licenciement doit être à la fois réel et sérieux.
En l'espèce la lettre de licenciement fait état de l'incapacité pour le salarié d'exécuter les fonctions pour lesquels il a été engagé en raison de la suspension de son permis de conduire ;
L'employeur n'indique pas dans la lettre de licenciement que la suspension du permis de conduire constitue une gêne effective dans l'entreprise ;
L'employeur n'a manifestement recherché aucune solution de reclassement au sein des magasins de dépôts de Gradignan et de Bordeaux pour éviter le licenciement d'un salarié qui comptait sept ans d'ancienneté alors qu'il n'est pas contesté que M. X... était agent de service remplaçant et qu'il effectuait des tâches au magasin ou chez des clients lorsqu'il ne faisait pas de tournées ;
Au regard de ces éléments, le caractère sérieux du motif de licenciement n'est pas démontré ;
En conséquence, le conseil de prud'hommes juge que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

La Cour d’appel de Bordeaux, dans son arrêt du 4 décembre 2014, confirme le jugement du conseil de prud’hommes. 

Enfin, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, rejetant de ce fait le pourvoi formé par l’employeur.

La Cour de cassation rappelle, que lorsque la suspension provisoire du permis de conduire du salarié n’empêche pas ce dernier de continuer à exercer les fonctions qui lui sont confiées, le licenciement est alors dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu qu'ayant estimé que la suspension provisoire de son permis de conduire n'empêchait pas le salarié de continuer à exercer les fonctions qui lui étaient confiées, la cour d'appel, sans encourir les griefs du moyen, a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°15-12533

Sous un format volontairement synthétique, nous profitons de l’affaire présente pour vous rappeler quelques notions concernant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Pour quelles raisons ?

Les situations permettant de considérer que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse sont notamment les suivantes : 

  • Lorsque le motif énoncé dans la lettre de licenciement n’est pas valable ;
  • Le motif du licenciement repose sur des faits dont l’existence reste douteuse pour les juges ;
  • Le motif du licenciement n’est pas suffisamment grave pour rompre le contrat de travail ;
  • L’absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement ;
  • Le non-respect de certaines règles de fond (licenciement verbal, licenciement disciplinaire notifié plus d’un mois après l’entretien préalable, etc.) ;
  • La prise d’acte de rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur (lorsque les griefs du salarié non protégé sont reconnus par les juges). 

Les conséquences 

Entreprises de moins de 11 salariés et/ou ancienneté du salarié inférieure à 2 ans. 

  • Pas de réintégration possible ;
  • Le salarié obtient le paiement d’une indemnité dont le montant est fixé souverainement par le juge ;
  • S’ajoutent les indemnités de licenciement. 

Dans tous les autres cas :

  • Le juge peut prononcer la réintégration du salarié dans l’entreprise ;
  • Si l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, le salarié obtient le paiement d’une indemnité, minimum 6 mois de salaires ;
  • L’indemnité ne se cumule pas avec l’indemnité prévue en cas d’irrégularité de procédure ;
  • S’ajoutent bien entendu les indemnités de licenciement ;
  • L’employeur peut être condamné à rembourser tout ou partie des allocations chômage versées au salarié depuis le licenciement jusqu’au jugement, dans la limite de 6 mois.

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