Le salarié ayant liquidé ses droits à la retraite ne peut être réintégrée dans l’entreprise

Jurisprudence
Retraite

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Cet article a été publié il y a 8 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Nous abordons aujourd’hui une affaire assez particulière…

Un salarié est engagé en 1987 par une compagnie aérienne, en qualité de pilote de ligne.

Après l'avoir informé qu'il ne serait plus légalement autorisé à voler au-delà du 6 juin 2008, date de son 60ème anniversaire, et que des recherches de reclassement au sol allaient être effectuées, l'employeur a, par lettre du 11 février 2008, notifié la rupture du contrat de travail de l'intéressé par application de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile fixant alors la limite d'âge des pilotes à 60 ans.

Le salarié demande la requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement nul, en raison d’une clause « couperet » illicite de son contrat de travail, et demande alors qu’il vient de liquider ses droits à pension de retraite à bénéficier d’une réintégration au sein de l’entreprise, proposant même de rembourser les sommes perçues aux organismes de retraite concernées. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande.

Nonobstant le fait qu’un licenciement nul ouvre droit pour le salarié à une réintégration, celle-ci n’était en l’occurrence pas possible au motif que le salarié avait déjà fait valoir ses droits à la retraite.

Extrait de l’arrêt :

que lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à réintégration dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent ; que pour débouter M. X... de sa demande de réintégration dans son emploi, la cour d'appel a retenu qu'il avait fait valoir ses droits à la retraite au 1er mai 2009 et qu'ainsi, « il n'est possible ni de procéder rétroactivement à sa réintégration à la date de la rupture, ni à la date du présent arrêt que ce soit en qualité de pilote ou de personnel au sol » ; qu'en se déterminant, par des motifs ne caractérisant pas une impossibilité pour l'employeur de réintégrer le salarié dans un emploi au sol, (…)

La Cour de cassation confirme en tous points l’arrêt de la cour d’appel, précisant au passage que :

  • Pour percevoir sa pension de retraite, le salarié doit rompre tout lien professionnel avec son employeur ;
  • Qu’il en résulte que le salarié licencié qui a fait valoir ses droits à la retraite, ne peut ultérieurement solliciter sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu d'abord que le salarié avait fait valoir dans ses conclusions qu'il s'engageait à rembourser aux organismes concernés et notamment aux organismes de retraite, les sommes perçues depuis la rupture de son contrat de travail ; que le moyen tiré de l'impossibilité de réintégrer le salarié dans l'entreprise en raison de la liquidation de ses droits à la retraite depuis le 1er mai 2009 était ainsi dans le débat ;

Attendu ensuite, que pour percevoir sa pension de retraite, le salarié doit rompre tout lien professionnel avec son employeur, qu'il en résulte que le salarié licencié qui a fait valoir ses droits à la retraite, ne peut ultérieurement solliciter sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent ; que la cour d'appel après avoir relevé que le salarié avait fait valoir ses droits à la retraite au 1er mai 2009, en a exactement déduit, sans encourir les griefs du moyen, que sa réintégration sur un poste au sol, était impossible ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Cour de cassation du , pourvoi n°14-12834 pourvoi n°14-13182

Profitons de la présente situation, pour rappeler les notions concernant les clauses « couperet » d’un contrat de travail, régulièrement considérées comme clauses illicites par la Cour de cassation. 

Définition de la clause « couperet » 

La clause couperet est celle qui prévoit, par exemple, la mise à la retraite automatique du salarié dès lors qu’il a atteint un certain âge.

Cette clause est interdite comme le confirme l’article L 1237-4 du code du travail.

Article L1237-4

Les stipulations relatives au départ à la retraite des salariés prévues par une convention collective, un accord collectif de travail ou un contrat de travail sont applicables sous réserve qu'elles ne soient pas contraires aux dispositions légales.

Sont nulles toutes stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail et d'un contrat de travail prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail d'un salarié en raison de son âge ou du fait qu'il serait en droit de bénéficier d'une pension de vieillesse.

Utilisation de la clause dans l’affaire présente

Dans l’affaire présente, l’employeur se référait à l’article L 421-9 du Code de l'aviation civile, pour prononcer la mise à la retraite du salarié en raison de son âge. 

Erreur d’interprétation pour le moins, car cela équivaut à imposer au salarié une « clause couperet », conduisant à requalifier la rupture en un licenciement nul. 

Article L421-9

Modifié par LOI n°2008-1330 du 17 décembre 2008 - art. 91 (V)

Modifié par LOI n°2008-1330 du 17 décembre 2008 - art. 92 (V)

Abrogé par Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 - art. 7

Modifié par Ordonnance n°2011-204 du 24 février 2011 - art. 1

I.-Le personnel navigant de l'aéronautique civile de la section A du registre prévu à l'article L. 421-3 ne peut exercer aucune activité en qualité de pilote ou de copilote dans le transport aérien public au-delà de l'âge de soixante ans.

II. - Le personnel navigant de la section A du registre qui remplit les conditions nécessaires à la poursuite de son activité de navigant est toutefois maintenu en activité au-delà de soixante ans pour une année supplémentaire sur demande formulée au plus tard trois mois avant son soixantième anniversaire, uniquement dans le cas des vols en équipage avec plus d'un pilote, à la condition qu'un seul des pilotes soit âgé de plus de soixante ans. Cette demande peut être renouvelée dans les mêmes conditions les quatre années suivantes.

Le personnel navigant de la section A du registre peut de droit et à tout moment, à partir de soixante ans, demander à bénéficier d'un reclassement dans un emploi au sol.

Lorsqu'il ne demande pas à poursuivre son activité de navigant ou atteint l'âge de soixante-cinq ans, le contrat n'est pas rompu de ce seul fait, sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est proposé.

III. - Le personnel navigant de l'aéronautique civile de la section D du registre prévu à l'article L. 421-3 ne peut exercer aucune activité en qualité de personnel de cabine dans le transport aérien public au-delà de cinquante-cinq ans.
IV. - Le personnel navigant de la section D du registre qui remplit les conditions nécessaires à la poursuite de son activité de navigant est toutefois maintenu en activité au-delà de cinquante-cinq ans sur demande formulée au plus tard trois mois avant son cinquante-cinquième anniversaire. Cette demande peut être renouvelée dans les mêmes conditions les neuf années suivantes. Il peut de droit et à tout moment, à partir de cinquante-cinq ans, demander à bénéficier d'un reclassement dans un emploi au sol. En cas d'impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou de refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est proposé, le contrat de travail est rompu. Le contrat de travail n'est pas rompu du seul fait que l'intéressé atteint l'âge de cinquante-cinq ans et renonce ou épuise son droit à bénéficier des dispositions du présent alinéa, sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement au sol ou refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est proposé.

NOTA : 

Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 article 9 : L'abrogation des dispositions mentionnées à l'article 7 ne prendra effet qu'à compter de la publication des dispositions réglementaires du code des transports pour ce qui concerne à l'article L. 421-9, au II, les mots " sur demande formulée au plus tard trois mois avant son soixantième anniversaire" et, au IV, les mots " sur demande formulée au plus tard trois mois avant son cinquante-cinquième anniversaire ". (Fin de vigueur : date indéterminée).

Licenciement nul et liquidation droits à la retraite : réintégration impossible

La précision utile qu’apporte la Cour de cassation dans la situation présente, est que le salarié qui vient de liquider ses droits à la retraite ne peut bénéficier d’une réintégration au sein de l’entreprise.

Il restera alors la possibilité d’exercer son activité dans le cadre du « cumul emploi-retraite », mais cela est un autre débat…

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