Demander à être licencié n’est pas fautif

Jurisprudence
Licenciement

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Un salarié est engagé le 12 octobre 1999 en qualité de chef d'agence, pour être ensuite promu directeur secteur sud de la société.

Souhaitant s’occuper d’un projet plus personnel, et sachant que son contrat de travail prévoit le versement d’un « golden parachute » (ou parachute doré) en cas de licenciement (sauf faute grave ou lourde), il sollicite plusieurs fois son employeur.

Finalement, il est licencié pour faute… grave le 20 janvier 2011, son employeur retenant l’insistance du salarié et considérant qu’elle constitue un fait fautif justifiant la rupture pour faute grave. 

Pour preuve, un extrait de la lettre de licenciement : 

Extrait de l’arrêt :

«(…), je vous ai rencontré :- le 28 septembre 2010 en présence (…) à l'occasion d'un déjeuner (…) au cours duquel vous avez clairement exprimé votre volonté d'être licencié afin de pouvoir vous occuper opérationnellement de l'Association (…) pour laquelle vous deviez être « libéré » à la fin de l'année, ce projet personnel et professionnel caritatif vous tenant particulièrement à coeur.- Votre motivation était exclusivement personnelle et ce sans la moindre ambiguïté.- Le 21 octobre 2010 : nous avons eu un nouvel entretien au cours duquel avec force détail vous réaffirmiez votre motivation personnelle et votre souhait de diriger l'association précitée(…)- Si je vous ai écouté attentivement concernant en particulier la situation de certains de vos collaborateurs, je vous ai également fait clairement comprendre (…) que je n'avais aucune intention de vous licencier. (…). En clair l'objectif unique et premier de l'opération que vous sollicitiez : votre licenciement, était de vous permettre de bénéficier d'une indemnité conséquente et de réaliser ensuite vos projets personnels (dont la qualité et la légitimité ne sont en aucun cas remises en cause). Cela ne fait pas partie de la conception de notre groupe quant à l'implication et à la responsabilisation des cadres ayant des fonctions managériales. Je pensais sincèrement que vous aviez compris et intégré ma position. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je vous ai rencontré à votre demande le 20 décembre. Vous m'avez brutalement accusé de faits illicites (totalement imaginaires) en affichant clairement que cette démarche avait pour but de m'obliger à vous licencier. En clair : du chantage. Vous comprendrez que j'ai clos toute discussion et mis à la suite une procédure de licenciement en oeuvre avec mise à pied à titre conservatoire. Lors de l'entretien vous avez adopté un profil certes plus modeste, niant les faits fautifs et votre démarche que vous savez inacceptable bien sûr, mais ajoutant que vous ressentiez une prétendue hostilité à votre égard de la nouvelle direction et que vous ne partagiez pas ses valeurs. En regard de vos fonctions et responsabilités, de la manifestation expresse d'un désintérêt absolu pour l'avenir de (…), de la tentative très claire d'obtenir votre licenciement à tout prix même au moyen de procédés intolérables, vous comprendrez que ces explications n'ont pas permis de modifier mon appréciation. Compte tenu de la gravité de ces faits, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible même pendant la durée du préavis (…) »

Mais le salarié saisit la juridiction prud'homale, contestant le bien-fondé de son licenciement. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande, considérant que le fait d’avoir insisté à 2 reprises au moins pour être licencié, constitue une faute permettant le licenciement du salarié fondé sur une cause réelle et sérieuse, rejetant au passage la faute grave.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour dire le licenciement du salarié fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la faute du salarié dans les relations de travail consiste à avoir insisté et ce, à deux reprises au moins le 28 septembre et le 21 octobre 2010, auprès de son employeur pour obtenir un licenciement avec une indemnité dite " parachute ", alors que le salarié pouvait démissionner et que la volonté d'être licencié ne visait qu'un intérêt personnel et financier, et non l'intérêt de l'entreprise, marquant ainsi son désintérêt pour l'avenir de celle-ci ; 

La Cour de cassation n’est pas du même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, considérant que le fait par un salarié de solliciter de son employeur la rupture de son contrat de travail ne constitue pas une faute.

L’affaire sera donc abordée devant une nouvelle cour d’appel.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que le seul fait pour un salarié de solliciter de son employeur la rupture de son contrat de travail ne constitue pas une faute, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 
PAR CES MOTIFS 
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejette la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de M. X..., l'arrêt rendu le 10 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes 

Cour de cassation du , pourvoi n°14-13419

Profitons de la présente affaire, pour rappeler quelques notions importantes concernant :

  • Les motifs permettant de considérer qu’un licenciement soit prononcé sans cause réelle et sérieuse ;
  • Et les conséquences qui en découlent. 

Licenciement sans cause réelle et sérieuse : pour quelles raisons ?

Licenciement sans cause réelle et sérieuse : les raisons

  • Lorsque le motif énoncé dans la lettre de licenciement n’est pas valable ;
  • Le motif du licenciement repose sur des faits dont l’existence reste douteuse pour les juges ;
  • Le motif du licenciement n’est pas suffisamment grave pour rompre le contrat de travail ;
  • L’absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement ;
  • Le non-respect de certaines règles de fond (licenciement verbal, licenciement disciplinaire notifié plus d’un mois après l’entretien préalable, etc.) ;
  • La prise d’acte de rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur (lorsque les griefs du salariés sont reconnus par les juges).

Licenciement sans cause réelle et sérieuse : les conséquences

Licenciement sans cause réelle et sérieuse : les conséquences

Entreprises de moins de 11 salariés et/ou ancienneté du salarié inférieure à 2 ans

  • Pas de réintégration possible ;
  • Le salarié obtient le paiement d’une indemnité dont le montant est fixé souverainement par le juge ;
  • S’ajoutent les indemnités de licenciement.

Autres situations

  • Le juge peut prononcer la réintégration du salarié dans l’entreprise ;
  • Si l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, le salarié obtient le paiement d’une indemnité, minimum 6 mois de salaires ;
  • L’indemnité ne se cumule pas avec l’indemnité prévue en cas d’irrégularité de procédure ;
  • S’ajoutent bien entendu les indemnités de licenciement ;
  • L’employeur peut être condamné à rembourser tout ou partie des allocations chômage versées au salarié depuis le licenciement jusqu’au jugement, dans la limite de 6 mois.

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