Même illicite, une pratique longuement tolérée par l’employeur ne peut pas motiver le licenciement du salarié

Jurisprudence
Licenciement

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C’est une affaire pour le moins particulière que nous commentons aujourd’hui.

Un salarié est engagé le 11 juillet 1988 par un fabricant de pneumatiques en qualité de chef de secteur.

Il est licencié pour faute grave par lettre du 10 décembre 2010 aux motifs de falsifications de notes de frais et factures en vue d'obtenir le remboursement de frais professionnels indus.

Le salarié, contestant son licenciement, saisit la juridiction prud'homale.

Il indique que ces pratiques étaient tolérées depuis longtemps par son employeur, et qu’il n’en obtenait aucun enrichissement personnel. 

Dans son arrêt du 13 novembre 2013, la Cour d'appel de Rennes donne raison au salarié, relevant plusieurs faits : 

  • L’employeur n'ignorait pas et tolérait auparavant la pratique des commerciaux de l'entreprise consistant, pour obtenir le remboursement de leurs frais professionnels, à modifier les factures de consommations afin d'y intégrer les frais de consommations offertes aux clients ;
  • Que les rectifications effectuées sur les factures par le salarié étaient visibles et qu'elles portaient sur des sommes dérisoires et concernaient des frais exposés et remboursables se situant en deçà du seuil de 50 € par mois fixé par l'employeur pour le remboursement des frais de cette nature avancés par les commerciaux ;
  • Que les faits reprochés au salarié, au regard de son ancienneté dans l'entreprise, de l'absence d'enrichissement personnel pour l'intéressé et de préjudice pour l'employeur, ne constituaient pas une faute grave. 

En conséquence, la cour d’appel considère que le licenciement pour faute grave n’avait pas de fondement et précise même qu’il était dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

Dans son arrêt du 2 juillet 2015, la Cour de cassation confirme en tous points l’arrêt de la cour d’appel et rejette en conséquence le pourvoi formé par l’employeur dans cette affaire.

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que la cour d'appel, ayant relevé, sans dénaturation, que l'employeur n'ignorait pas et tolérait auparavant la pratique des commerciaux de l'entreprise consistant, pour obtenir le remboursement de leurs frais professionnels, à modifier les factures de consommations afin d'y intégrer les frais de consommations offertes aux clients, a constaté que les rectifications effectuées sur les factures par le salarié étaient visibles, qu'elles portaient sur des sommes dérisoires et concernaient des frais exposés et remboursables se situant en deçà du seuil de 50 euros par mois fixé par l'employeur pour le remboursement des frais de cette nature avancés par les commerciaux ; qu'elle a pu en déduire que les faits reprochés au salarié, au regard de son ancienneté dans l'entreprise, de l'absence d'enrichissement personnel pour l'intéressé et de préjudice pour l'employeur, ne constituaient pas une faute grave, et a décidé, dans le cadre des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen, inopérant en ce qu'il critique des motifs surabondants en sa cinquième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°14-10503

Faute grave et licenciement rejetés

Nous remarquerons dans l’affaire présente, les nombreux éléments retenus par les deux cours : 

  • Le fait que la pratique incriminée était à la fois connue et tolérée par l’employeur ;
  • Que le salarié n’avait nullement cherché à dissimuler les faits (« que les rectifications effectuées sur les factures par le salarié étaient visibles ») ;
  • Que les sommes concernées avaient un caractère dérisoire ;
  • Que le salarié justifiait d’une grande ancienneté au sein de l’entreprise (plus de 22 ans au moment du licenciement) ;
  • Que le salarié ne s’était nullement enrichi de façon personnelle ;
  • Et enfin que le salarié n’avait pas cause de préjudice à l’entreprise. 

Ce sont tous ces faits concomitants qui ont permis de juger le licenciement pour faute grave infondé et d’aller même jusqu’à prononcer un arrêt dans lequel la rupture est considérée dépourvue de cause réelle et sérieuse.

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