Un employeur n’a pas le droit d’utiliser le dossier médical du salarié en justice

Jurisprudence
Retraite

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Un salarié est engagé le 3 mai 1976.

Devenu ultérieurement ingénieur, il est placé en arrêt-maladie à compter du 22 février 2002.

Reconnu invalide le 11 janvier 2005 à compter du 1er janvier, il est mis à la retraite à l'âge de 60 ans le 28 février 2010.

Mais le salarié saisit la juridiction prud'homale le 20 juin 2003 de diverses demandes, estimant notamment que le fait pour l’employeur de produire en justice une attestation du médecin du travail comportant des éléments tirés de son dossier médical devait être considéré comme une faute de sa part, et conduire à sa condamnation au paiement de dommages-intérêts. 

Dans son arrêt du 31 octobre 2013, la Cour d'appel de Metz déboute le salarié de sa demande,

Extrait de l’arrêt :

Vu l'article L. 4623-8 du code du travail, ensemble l'article L. 1110-4 du code de la santé publique ;

Attendu que commet une faute l'employeur qui fait établir et produit en justice une attestation du médecin du travail comportant des éléments tirés du dossier médical du salarié, hormis les informations que le médecin du travail est légalement tenu de communiquer à l'employeur ;

Attendu que, pour rejeter la demande du salarié de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'il résulte de la décision rendue par le Conseil régional de l'ordre des médecins de Lorraine que, si le médecin du travail s'est vu infliger un blâme, c'est au seul motif qu'il a manqué à ses obligations en se dispensant de formuler l'avis qu'il était tenu d'établir en vertu de l'article R. 241-51-1 du code du travail et que le salarié ne démontre pas une quelconque faute de son employeur qualifiée par lui de recel de violation du secret professionnel ;

Mais ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur ce point.

Rappelant que le médecin du travail, tenu au secret médical, ne peut en aucun cas transmettre à l’employeur, le contenu du dossier médical, excepté ce qui est autorisé par la loi, la Cour de cassation donne raison au salarié, renvoyant les 2 parties devant la Cour d’appel de Nancy.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur avait produit aux débats une attestation du médecin du travail comportant des éléments tirés du dossier médical du salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du quatrième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. X...au titre de la discrimination en raison de l'âge résultant de sa mise à la retraite et à titre de dommages-intérêts pour « recel de violation du secret professionnel », l'arrêt rendu le 31 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ; 

Cour de cassation du , pourvoi n°13-28201

Profitant du fait que l’avis d’inaptitude est évoqué dans la présente affaire, nous souhaitons en profiter pour rappeler les modifications apportées par la récente publication de la loi relative au dialogue social et à l'emploi (dite loi Rebsamen). 

LOI n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, JO du 18 août 2015

Le régime en vigueur avant la loi 

Obligation de reclassement 

C’est à partir de la 2ème visite médicale (délai de 2 semaines entre chaque visite) auprès de la médecine du travail que l’obligation de reclassement pèse sur l’employeur.

Dans le cas où le maintien du salarié entraîne un danger immédiat, l’inaptitude est prononcée au terme d’une seule visite médicale. 

Si l’employeur a anticipé les recherches de reclassement, par exemple en commençant au terme de la 1ère visite médicale, ces recherches doivent néanmoins être poursuivies après la 2ème visite médicale auprès de la médecine du travail.

Ne sera par exemple pas prise en compte, l’offre de reclassement intervenue antérieurement à la seconde visite médicale. 

Cour de cassation du 28/10/2009 pourvoi  08-42804

Conditions permettant de prononcer le licenciement 

Selon les termes des articles L 1226-2 (inaptitude d’origine non professionnelle) ou L 1226-10 et L 1226-12 (inaptitude faisant suite à un accident du travail ou maladie professionnelle) du code du travail, nul employeur ne peut rompre le contrat de travail, en prononçant le licenciement, que s’il s'il justifie :

  • Soit de son impossibilité de proposer un emploi ;
  • Soit du refus par le salarié de l'emploi proposé.
  • Inaptitude d’origine non professionnelle : 

Article L1226-2

Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

  • Inaptitude d’origine professionnelle :

Article L1226-10

Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 43

Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Article L1226-12

Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

Le nouveau régime depuis la loi

Nouvelle possibilité de rompre le contrat de travail 

L’article 26 de la loi complète l’article L 1226-12, permettant désormais à l’employeur de prononcer le licenciement sans obligation de reclassement, lorsque :

  • L’inaptitude est d’origine professionnelle (consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle) ;
  • Et que l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé. 

Extrait de la loi Rebsamen :

Article 26
I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il peut également rompre le contrat de travail si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé. »

Information en cas de recours 

Le même article 26 de la loi, modifie également le contenu de l’article L 4624-1 du code du travail qui concerne un cas de recours par l’une des 2 parties (employeur ou salarié) devant l'inspection du travail suite à un avis d'inaptitude. 

Article L4624-1

Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs.

L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.

En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail.

Désormais, il est précisément indiqué que la partie qui exerce ce recours devra en informer l'autre, cette information n’était pas obligatoire avant la loi. 

Extrait de la loi Rebsamen :

IV. - L'article L. 4624-1 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien dans l'emploi. » ;
2° Au début de la seconde phrase du dernier alinéa, les mots : « Ce dernier » sont remplacés par une phrase et les mots : « Il en informe l'autre partie. L'inspecteur du travail ».

Entrée en vigueur 

Ces nouvelles dispositions entrent en vigueur à compter du 19 août 2015, lendemain de la publication de la loi au JO.

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