Notifier une période probatoire, 7 mois après la prise du nouveau poste : c’est un peu tard !

Jurisprudence
Période d’essai

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Cet article a été publié il y a 8 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Une salariée est engagée le 17 février 1992 au poste de support technique central à la direction informatique.

La salariée se voit confier la responsabilité de l'entité achats informatiques le 1er décembre 2007.

Son poste initialement inscrit en classe 6 a été réévalué en classe 7 en avril 2008, et le 3 juillet suivant, l'employeur lui indique qu'une période d'adaptation de six mois permettrait de la confirmer ou non dans ce poste.

Son employeur lui propose, le 16 décembre 2008, une nouvelle période probatoire qu'elle a refusée, puis lui a offert de choisir parmi 2 postes de classe 6, ce qu'elle a également refusé.

Finalement, par lettre du 23 février 2009, la salariée prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur et saisit la juridiction prud'homale.

Elle considère avoir été notifiée d’une période probatoire de manière quelque peu tardive, elle indique :

  •  Avoir été placée sur le nouveau poste, le 1er décembre 2007 ;
  • Et n’avoir été avisée de la période probatoire que le 3 juillet suivant, soit plus de 7 mois après. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute la salariée de sa demande, se référant à l’article 6-2 de l’accord collectif de groupe dont dépend l’entreprise.

Cet accord prévoyant que la mesure individuelle associée à un changement de classe et de fonction ne peut intervenir qu'au terme d'une période d'adaptation permettant à l'entreprise et au salarié d'avoir le recul suffisant. 

Extrait de l’arrêt :

Vu l'article 6-2 de l'accord collectif de groupe (…) en date du 28 juin 1999 sur la mise en oeuvre et le suivi des classifications ; 
Attendu, selon ce texte, que la mesure individuelle associée à un changement de classe et de fonction ne peut intervenir qu'au terme d'une période d'adaptation permettant à l'entreprise et au salarié d'avoir le recul suffisant ; qu'il sera pris en compte l'adaptation à la nouvelle fonction et la performance individuelle atteinte ; 
Attendu que pour dire que la prise d'acte de la rupture produisait les effets d'une démission et rejeter la demande de la salariée tendant à voir condamner solidairement les sociétés (…)vie et la société (…) à lui payer des sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'un accord collectif de groupe a été conclu le 28 juin 1999 portant sur la mise en oeuvre et le suivi des classifications ; que la salariée ne discute pas véritablement l'application de cet accord collectif qui a eu vocation à être mis en oeuvre en l'espèce dès lors que le poste qu'elle occupait a été réévalué de classe 6 en classe 7, comme le prévoit l'article 6. 2 cité ci-dessus ; que dès lors la salariée ne peut pas utilement soutenir qu'elle occupait déjà ce poste précédemment puisque la décision de changement de classe prise par le comité d'évaluation est intervenue au mois d'avril 2008, plusieurs mois après qu'elle avait commencé à occuper ce poste ; qu'en outre cet article 6. 2 énonce que cette période d'adaptation y compris dans le cas de réévaluation de classe est impérative et s'impose tant à l'employeur qu'au salarié, seule sa durée est réduite de douze à six mois ; qu'il n'est donc pas démontré que la période d'adaptation a été imposée unilatéralement par l'employeur ; qu'en raison de dispositions conventionnelles impératives qui s'imposaient à toutes les parties au contrat de travail, la salariée échoue également à démontrer que cette période probatoire était illégale ; que l'employeur en lui adressant la lettre du 3 juillet 2008 l'informant qu'elle serait confirmée dans sa nouvelle fonction d'expert manager à l'issue de cette période probatoire suite à l'évaluation de son poste en classe 7, s'est donc conformé à l'accord collectif précité ; 

Mais la Cour de cassation n’est pas sensible à l’argumentation de la cour d’appel, elle casse et annule l’arrêt dans toutes ses dispositions, renvoyant les deux parties devant une nouvelle cour d’appel, autrement composée.

Tout comme l’avait indiqué la salariée, les juges de la Cour de cassation considèrent qu’un délai de 7 mois pour notifier une période probatoire est bien long (NDLR : sans remettre toutefois en cause la possibilité d’avoir un « certain délai » entre le début de la période probatoire et sa notification au salarié).

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que la mesure individuelle visée par l'article 6-2 de l'accord collectif du 28 juin 1999 suppose l'existence d'un changement à la fois de poste et de classe, la cour d'appel, qui a constaté que la notification par l'employeur à la salariée d'une période probatoire était intervenue le 3 juillet 2008, soit à une époque nettement postérieure à l'occupation du nouveau poste depuis le 1er décembre 2007 suivie d'un changement de classe survenu en avril 2008, a violé le texte susvisé ; (…)
PAR CES MOTIFS : 
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ; 

Cour de cassation du , pourvoi n°13-13967

Nous profitons de la présente affaire pour apporter un focus sur la période probatoire, qu’il convient de bien distinguer de la période d’essai, voici quelques éléments à ce sujet… 

Période d’essai ≠ période probatoire

Il est important de bien différencier la période d’essai de la période probatoire.

La période d’essai concerne le salarié lors de son arrivée dans l’entreprise à la différence de la période probatoire qui peut intervenir dans le cas d’un changement de fonctions du salarié concerné.

Période probatoire : pour quelle raison ? 

L’intérêt peut être partagé. 

  • Pour l’employeur, cette période permettra d’évaluer les compétences du salarié dans ses nouvelles fonctions ;
  • Pour le salarié, d’apprécier si le nouveau poste qui lui est confié lui convient. 

En aucun cas, l’employeur ne pourra soumettre le salarié à une nouvelle période d’essai

Arrêts de la Cour de cassation du 30/03/2005, arrêts 02-46103, 02-46338 et 03-41797 

Bien vérifier la convention collective

Certaines conventions collectives ne permettent pas la mise en place d’une période probatoire, notamment, en cas de promotion

Cour de cassation du 05/12/2007 arrêt 06-43988 FD

Certaines conventions collectives peuvent aussi prévoir pour cette période probatoire une durée maximale à respecter, ainsi que les conditions de rémunération éventuelles. 

Sur le contrat de travail ?

Il est souhaitable d’insérer une clause correspondant dans le contrat de travail du salarié.

Il est possible aussi d’ajouter un avenant au contrat de travail si rien n’a été prévu à l’arrivée du salarié dans la société. 

Rupture de la période probatoire

La rupture de la période probatoire ne doit en aucun cas s’analyser en : 

  • Une rupture du contrat de travail comme le ferait une rupture de période d’essai ;
  • Un motif pouvant permettre un licenciement ou une sanction disciplinaire. 

L’employeur qui met un terme à une période probatoire doit replacer obligatoirement le salarié dans ses fonctions antérieures.

Cour de cassation 30/03/2005 arrêt 02-46103, 02-46338 et 03-41797

En revanche, le salarié qui refuserait de reprendre ses fonctions précédentes est en faute et peut être licencié pour ce motif.

Cour d’appel du 26/03/2003 arrêt 00/00661

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