Le salarié, placé en détention provisoire n’en avise pas l’employeur : son licenciement pour faute grave est fondé

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Un salarié est engagé le 13 mai 1993 en qualité d'agent qualifié de service par contrat CDI à temps partiel.

Le 23 avril 2008, il est placé en garde à vue puis en détention provisoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 avril 2008, la société demande au salarié de justifier de son absence du 24 avril et des jours suivants.

Faute de réponse, le salarié est finalement licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 mai 2008.

Le 4 juin 2010, il saisit  la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement. 

Dans un premier temps, la cour d’appel valide le licenciement mais le requalifie en licenciement pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave.

Les juges retiennent le « caractère involontaire » de l’absence du salarié et ses difficultés à en rendre compte à son employeur. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que, pour dire que le licenciement n'était pas fondé par une faute grave, l’arrêt retient que le caractère involontaire de cette absence et les difficultés éprouvées par le salarié à en rendre compte à son employeur, sont de nature à atténuer la gravité de cette faute et justifient la requalification de la rupture du contrat de travail en un licenciement pour cause réelle et sérieuse ; 

Mais cette argumentation n’est pas retenue par la Cour de cassation, qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les deux parties devant une nouvelle cour d’appel.

Les juges retiennent le fait que le salarié n’apportait pas la preuve qu'il lui était impossible de contacter son employeur de son lieu d'incarcération et que cette carence avait désorganisé le fonctionnement de l'entreprise, justifiant ainsi son licenciement pour faute grave.  

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié n'avait fait aucune démarche pour aviser son employeur de sa situation dans le délai d'un mois qui s'était écoulé entre son placement en garde à vue et son licenciement, qu'il n'apportait pas la preuve qu'il lui était impossible de contacter son employeur de son lieu d'incarcération et que cette carence avait désorganisé le fonctionnement de l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ; 
PAR CES MOTIFS : 
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il requalifie la rupture du contrat de travail de M. X... en " licenciement sans cause réelle et sérieuse ", condamne la SARL (…) à verser à M. X... la somme de 1 358, 73 euros à titre d'indemnité de licenciement, dit que la SARL (…) devra remettre à M. X... une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire conformes aux dispositions du présent arrêt, condamne la SARL (…) à verser à M. X... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et la condamne aux dépens ", l'arrêt rendu le 7 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Cour de cassation du , pourvoi n°14-10270

Voilà une question que se posent les employeurs et les gestionnaires de paie : l’incarcération d’un salarié peut-elle motiver son licenciement : cela dépend aurions-nous envie de répondre !

Incarcération ≠ motif de licenciement

Le seul fait qu’un seul salarié se retrouve en prison ne peut motiver son licenciement.

Son contrat de travail est seulement réputé « suspendu », ne donnant alors lieu qu'à diminution de sa rémunération. 

L’incarcération relève de fait tirés de sa vie privée

Le licenciement ne sera alors justifié qu’à la seule condition que l’employeur puisse prouver que l’absence du salarié désorganise ou perturbe le fonctionnement de l’entreprise.

L’incarcération conduit au licenciement pour faute grave (ou lourde)

Cela pourrait être le cas si les faits reprochés au salarié ont été commis dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, sous réserve bien entendu que ceux-ci puissent justifier la reconnaissance d'une faute grave ou lourde.

Une publication de l’administration

Une publication de la Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre), du 20 janvier 2014 a retenu toute notre attention, nous vous en proposons l’extrait qui suit. 

Extrait publication de la Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre), Mise à jour le 20.01.2014

Un salarié en prison peut-il être licencié à cause de sa détention ?

Oui, sous conditions.

Lorsqu'un salarié est en prison pour des faits relevant de la vie privée et sans lien avec l'activité professionnelle, le licenciement est justifié si l'employeur établit que l'absence du salarié désorganise ou perturbe le fonctionnement de l'entreprise. Dans ce cas, le salarié perçoit l'indemnité de licenciement, s'il remplit les conditions d'ancienneté d'un an dans l'entreprise.

Un licenciement pour faute (grave ou lourde) du salarié incarcéré est possible si les faits reprochés au salarié ont été commis dans le cadre de l'exécution du contrat de travail. Ces faits doivent justifier la reconnaissance d'une faute grave ou lourde.

En dehors des cas justifiant un licenciement, la détention d'un salarié entraîne la suspension de son contrat de travail.

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