Réduction du périmètre de prospection d’un commercial= modification du contrat de travail

Jurisprudence
Prise acte rupture contrat travail

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Cet article a été publié il y a 8 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Un salarié est engagé le 1er octobre 1979 en tant que commercial.

En janvier 1999, le salarié accepte la décomposition de son salaire de base en une partie fixe et une partie variable.

Le 15 décembre 2009, l'employeur lui notifie ses objectifs commerciaux pour 2010 que l'intéressé conteste en estimant qu'il s'agit d'une modification « substantielle » de son contrat de travail conduisant le salarié à saisir la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur. 

Au sein de son argumentation, le salarié considère que son employeur tentait de lui imposer une véritable modification de son contrat de travail, au regard du fait que certains secteurs géographiques lui étaient enlevés ainsi que l’exclusion de certaines opérations comme les appels d’offres publics et privés supérieurs à 60 K€, ayant pour conséquence directe une baisse de sa rémunération. 

Extrait de l’arrêt :

que M. X... fonde sa demande de résiliation judiciaire du contrat sur le fait que la société lui a imposé une modification de son contrat de travail lié à un changement de secteur et de rémunération ; que M. X... a été informé de ses objectifs par courrier du 15 décembre 2009, notifiés le 3 juin 2010, qu'il en résultait qu'il avait en charge l'activité commerciale de vente de produits packs et moyens projets sur le département 38 Sud, avec Grenoble, à l'exclusion de l'oisans, l'alpe d'huez, et les deux alpes, et à l'exclusion des opérations suivantes : appels d'offres publics et privés supérieurs à 60K¿ et les créations et restructurations complètes des établissements de clients grands comptes régionaux ou nationaux ; que M. X... prétend que ces exclusions de catégorie d'affaires lui imposent une modification substantielle de son contrat de travail ;

De son côté, l’employeur argumentait en indiquant que le contrat de travail ne contenait aucune zone géographique précise, pas plus que de « type d’affaires » et donc aucune restriction.

Il pouvait donc tout à fait confier ce type d’affaires à un commercial spécialisé et qu’il n’y avait pas lieu de considérer que nous nous trouvions face à une modification du contrat de travail imposé à un salarié. 

Extrait de l’arrêt :

Que l'examen des objectifs 2008 démontre qu'il n'y avait jusqu'alors, aucune indication concernant tant le secteur géographique que le type d'affaires, et donc aucune restriction ; que l'employeur rétorque que le contrat de travail de M. X... n'avait pas prévu de secteur ni même d'exclusivité et qu'il ne peut donc revendiquer une modification du contrat de travail, et qu'il pouvait confier ce type d'affaires à un commercial spécialisé, qu'il dispose d'une liberté de décision en matière de gestion économique, d'organisation interne de l'entreprise et de gestion de son personnel  

Les arguments de l’employeur ne sont pas retenus, et la Cour de cassation (tout comme l’avait fait avant elle la cour d’appel) donne raison au salarié.

Les juges retiennent le fait que l'employeur avait procédé à l'exclusion d'un secteur et d'une catégorie importante de clientèle qui étaient auparavant prospectés par le salarié, que tous ces éléments étaient constitutifs d’une modification du contrat de travail que l’employeur ne pouvait imposer au salarié.  

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'ayant constaté que l'employeur avait procédé à l'exclusion d'un secteur et d'une catégorie importante de clientèle qui étaient auparavant prospectés par le salarié, la cour d'appel en a exactement déduit que cette réduction du périmètre de prospection, de nature à affecter la rémunération du salarié, emportait modification du contrat de travail que l'employeur ne pouvait imposer ; que le moyen n'est pas fondé ; 
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°13-19309

Dans cette affaire, le salarié demandait la résiliation judiciaire de son contrat de travail, l’occasion pour nous de rappeler les différences notables entre une « prise d’acte de la rupture du contrat de travail » et « la demande de résiliation judiciaire d’un contrat de travail ».

Prise d’acte ≠ résiliation judiciaire

Définition de la résiliation judiciaire

La demande de résiliation judiciaire du contrat par le salarié, consiste à demander au conseil de prud’hommes de prononcer la rupture du contrat de travail.

Cela implique que le contrat de travail continue de produire ses effets tant que le juge ne s’est pas prononcé.

Le salarié poursuit son activité et l’employeur verse toujours la rémunération à son salarié.

Seul le salarié est habilité à demander la résiliation judiciaire du contrat de travail à durée indéterminée (CDI).

La prise d’acte ne peut pas être assimilée à une résiliation judiciaire

C’est ce que la Cour de cassation a confirmé dans un de ces arrêts.

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu, d'une part, qu'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail formée par un salarié ne peut être assimilée à une prise d'acte de la rupture ; que le salarié s'étant désisté de sa demande de résiliation, la cour d'appel a, à bon droit, statué sur le licenciement prononcé ultérieurement ; (…)
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du 21/03/2007 pourvoi 05-45392

La résiliation judiciaire pour un contrat CDD

A la différence de la prise d’acte, la résiliation judiciaire est envisageable pour les contrats CDD, la procédure étant toutefois restreinte.

Elle n’est en fait possible que si le salarié invoque une faute grave de l’employeur ou un cas de force majeure (en conformité avec l’article L 1243-1 du code du travail)

Extrait de l’arrêt :

 1 / que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant terme que pour faute grave ou force majeure et le juge, saisi d'une action en résiliation judiciaire, ne peut la prononcer que pour l'une de ces deux causes ;

Cour de cassation du 14/01/2004 pourvoi 01-40489

Article L1243-1

Modifié par LOI n°2014-1545 du 20 décembre 2014 - art. 6

Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.

Lorsqu'il est conclu en application du 6° de l'article L. 1242-2, le contrat de travail à durée déterminée peut, en outre, être rompu par l'une ou l'autre partie, pour un motif réel et sérieux, dix-huit mois après sa conclusion puis à la date anniversaire de sa conclusion.

Une demande de résiliation judiciaire suivie d’une prise d’acte

Si un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat puis prend acte de la rupture de son contrat de travail avant que les juges ne se soient prononcés, la demande de résiliation judiciaire devient sans objet.

Extrait de l’arrêt :

 Mais attendu que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant ; que s'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte ;

Et attendu que la cour d'appel a décidé que les faits reprochés par le salarié étaient fondés ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du 31/10/2006  pourvoi 04-46280

Prise d’acte pendant la procédure de demande de résiliation judiciaire

Si la prise d’acte se produit alors que les juges ne se sont pas prononcés, le contrat est rompu quand bien même la demande de résiliation soit antérieure à la prise d’acte.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que Mme X..., engagée par l'association Y… en qualité de formatrice, d'abord par contrat à durée déterminée le 18 octobre 1999, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 18 décembre 2000, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant notamment à la résolution judiciaire de son contrat de travail ; qu'en cours de procédure, elle a pris acte le 20 octobre 2003 de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur et a demandé que cette rupture soit requalifiée en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Attendu que pour condamner l'employeur à payer à la salariée des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt attaqué , après avoir constaté que la salariée avait pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 20 octobre 2003 exposant qu'il était lui était impossible de reprendre son poste de travail à l'issue d'un arrêt de travail compte tenu de la rétrogradation et de la mise à l'écart dont elle avait fait l'objet, énonce que l'employeur, qui considère le contrat de travail rompu du fait du salarié, doit mettre en oeuvre la procédure de licenciement et qu'à défaut, la rupture s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de se prononcer sur les griefs invoqués par la salariée à l'appui de sa prise d'acte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que la rupture du contrat de travail de Mme X... s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, a condamné Y… à lui payer les sommes de 14 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, 3 488 euros à titre d'indemnité de préavis, 1 395 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 1 500 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, ainsi que 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 janvier 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Cour de cassation du 15/03/2006 pourvoi 05-41376

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