Une baisse de salaire nécessite l’accord exprès du salarié

Jurisprudence
Contrat de travail

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Cet article a été publié il y a 9 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Une salariée est engagée à compter du 20 août 2007, en qualité de directeur régional d'exploitation, position cadre, III B, coefficient 620 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

Par avenant du 1er juillet 2010, elle se voit attribuer de nouvelles agences, avec une nouvelle classification de cadre position III C, coefficient 800.

A la suite d’un congé-maladie, elle est déclarée apte à son poste par le médecin du travail, sous réserve de longs trajets en voiture.

Par lettre du 1er  février 2011, elle demande à son employeur d'être libérée de 2 agences pour des motifs médicaux.

Constatant une baisse de sa rémunération, elle saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes à titre de rappel de salaire, de prime et de congés payés afférents. 

Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison à la salariée, estimant que cette dernière n’avait pas exprimé clairement son refus de reprendre l’ensemble de ses responsabilités dès l’amélioration de son état de santé.

De ce fait, la modification du contrat n’était pas valable, tout comme la baisse de rémunération qui s’en était suivie. 

Ce n’est pas l’avis de l’employeur qui décide de se pourvoir en cassation.

Selon lui, c’était la salariée avait demandé la modification de son contrat de travail, et qu’en conséquence libérée de ses obligations pour 2 agences, il l’avait réintégrée sur son précédent poste avec la rémunération d’origine. 

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, rappelant que la modification du contrat de travail nécessite l’accord exprès de la salariée, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Extrait de l’arrêt : 

Mais attendu, d'abord que l'accord du salarié à la modification du contrat de travail doit être exprès et non équivoque ;
Et attendu qu'ayant constaté qu'après avoir signé un avenant au contrat de travail, le 1er juillet 2010, aux termes duquel la salariée voyait ses fonctions et sa rémunération modifiées, les parties s'étaient mises d'accord entre février et mars 2011 uniquement pour un allégement des fonctions de l'intéressée afin de les rendre compatibles avec son état de santé, la cour d'appel a exactement décidé qu'il ne s'en déduisait pas que le contrat originaire reprenait tous ses effets ;
D'où il suit que le moyen, qui s'attaque à des motifs surabondants en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé ;

Cour de cassation du , pourvoi n°13-27113

La présente affaire permet de rappeler quelques notions importantes concernant la modification du contrat de travail.

Modification du contrat de travail : définition

Le contrat de travail constitue l’élément essentiel de la relation entre un salarié et son employeur. Le salarié s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination de l’employeur qui s’engage à le rémunérer en contrepartie de la prestation fournie. Une fois l’employeur et le salarié d’accord sur le contenu de leur contrat, les clauses y figurant ne peuvent plus être révoquées que par leur consentement mutuel, sous réserve cependant, des clauses ayant seulement valeur informative.

Pas de définition légale 

Il n’existe pas de définition légale de la modification du contrat de travail.

C’est la jurisprudence par ses différents arrêts qui fait « avancer les choses », deux définitions peuvent être données.

La modification du contrat de travail consiste à modifier un élément essentiel ou jugé essentiel. 

Lorsque la modification est désirée pour un motif personnel :

  • L’employeur n’est pas en droit de l’imposer au salarié ;
  • Le salarié est en droit de refuser ;
  • Le refus par le salarié n’est pas une faute, ni un motif de licenciement, ni une démission. 

Lorsque la modification est pour un motif économique :

  • La modification est alors motivée dans l’intérêt de l’entreprise ;
  • Elle s’intègre alors dans le cadre d’un licenciement économique ;
  • L’employeur n’est pas en droit de l’imposer au salarié.

Modification de la rémunération du salarié = modification du contrat de travail

Toute modification de la rémunération du salarié constitue une modification du contrat de travail, qui ne peut être imposé au salarié, et nécessite son accord exprès comme le confirme le présent arrêt.

Même si la nouvelle rémunération est plus favorable ! 

Même si la rémunération aboutit à une augmentation, ce changement doit être considéré comme une modification du contrat de travail, comme le confirme l’arrêt suivant du 3/07/2001 de la Cour de cassation.

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que le mode de rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode de rémunération serait plus avantageux que l'ancien ; qu'une clause du contrat de travail ne peut valablement permettre à l'employeur de modifier unilatéralement la rémunération contractuelle du salarié ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la rémunération d'un salarié malgré l'élévation de son coefficient hiérarchique n'avait pas augmenté au motif que son coefficient " d'individualisation ", déterminé en fonction de sa valeur professionnelle et de la qualité du travail fourni, avait été abaissé corrélativement par une décision unilatérale de l'employeur, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, d'où il résultait une modification du contrat de travail de l'intéressée, et a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 3 juillet 2001 N° de pourvoi: 99-42761

Conséquence 

Cette affaire évoque plusieurs fois l’accord exprès du salarié, il convient donc selon nous de prévoir un document sur lequel le salarié apposera sa signature, à laquelle pourra s’ajouter la mention « lu et approuvé », de façon à démontrer clairement que l’accord exprès du salarié a été obtenu, afin d’éviter de se retrouver confronter à un arrêt du même genre que celui que nous abordons aujourd’hui…

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