Modification de la rémunération : la résiliation judiciaire du contrat n’est pas automatique !

Jurisprudence
Prise acte rupture contrat travail

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Une fois n’est pas coutume, nous abordons cette fois deux affaires portant sur la même problématique : la modification de la rémunération par l’employeur. 

Affaire numéro 1 : 

  • Un salarié est engagé le 21 mai 1986, en qualité de VRP.
  • Un contrat écrit est établi le 30 juillet 1999 suivi de plusieurs avenants relatifs à la rémunération.
  • Le 28 octobre 2005, son employeur lui notifie une baisse de son taux de commissionnement.
  • Le 25 mars 2009, le salarié dénonce une modification du contrat de travail et saisit la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur. 

La cour d’appel puis la Cour de cassation déboutent le salarié de sa demande, estimant que la créance de salaire résultant de la modification unilatérale de la rémunération ne justifiait pas la résiliation judiciaire du contrat. 

En d’autres termes, ce manquement de l’employeur n’empêchait la poursuite du contrat de travail, le pourvoi est rejeté. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la créance de salaire résultant de la modification unilatérale du contrat de travail représentait une faible partie de la rémunération, a pu décider que ce manquement de l'employeur n'empêchait pas la poursuite du contrat de travail ; que, sans être tenue de faire droit à une demande fondée sur une offre amiable et sans encourir les griefs du moyen, elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; 

Références 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 12 juin 2014 N° de pourvoi: 12-29063

  

Affaire numéro 2 : 

  • Un salarié est engagé à compter du 1er juin 2007 en qualité d'attaché commercial sur la base d'un contrat de travail prévoyant le versement d'une rémunération fixe complétée par des commissions calculées à des taux variables par référence à une grille annexée à son contrat de travail.
  • Un avenant lui est proposé le 10 mars 2008 à effet rétroactif au 1er janvier précédent en vue de la modification de sa rémunération, ce que le salarié refuse.
  • Dénonçant la modification unilatérale de son contrat de travail, le salarié saisit le 15 février 2011 la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
  • Finalement, le salarié est licencié pour insuffisance professionnelle le 2 mars 2011. 

Tout comme l’affaire précédente, la cour d’appel puis la Cour de cassation déboutent le salarié de sa demande.

Les juges constatent en effet que la modification appliquée par l’employeur n’avait pas d’influence défavorable sur la rémunération du salarié pendant plusieurs années.

De ce fait, cette modification ne pouvait avoir pour effet d’empêcher la poursuite du contrat de travail.

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'ayant constaté que la modification appliquée par l'employeur n'avait pas exercé d'influence défavorable sur le montant de la rémunération perçue par le salarié pendant plusieurs années, la cour d'appel , qui a ainsi fait ressortir qu'elle n'était pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, n'encourt pas les griefs du moyen ;

PAR CES MOTIFS : 
REJETTE le pourvoi ; 

Références 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 12 juin 2014 N° de pourvoi: 13-11448

Cour de cassation du , pourvoi n°12-29063 pourvoi n°13-11448

Ce sont deux arrêts qui sont rendus par la Cour de cassation et que nous pouvons analyser comme un véritable revirement de jurisprudence.

 

Arrêts précédents

Rappelons en effet quelques arrêts précédents, dans lesquels le mode de rémunération du salarié constitue un élément essentiel du contrat de travail, dont la modification unilatérale (même plus favorable) ne peut être imposée au salarié et permet la rupture du contrat de travail. 

Arrêt du 28/01/1998 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que le mode de rémunération d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode serait plus avantageux ; 
Et attendu que la cour d'appel, ayant relevé, sans contradiction, que l'employeur avait imposé au salarié un système de commissionnement différent de celui prévu au contrat, a exactement décidé, d'une part, qu'il y avait eu modification du contrat de travail, d'autre part, que le fait pour l'employeur de prendre acte de la rupture, en assimilant le refus du salarié d'accepter cette modification à une démission, s'analysait en un licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ; 
Sur le second moyen : (sans intérêt) ; 
PAR CES MOTIFS : 
REJETTE le pourvoi. 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 28 janvier 1998 N° de pourvoi: 95-40275

  

Arrêt du 3 juillet 2001 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que le mode de rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode de rémunération serait plus avantageux que l'ancien ; qu'une clause du contrat de travail ne peut valablement permettre à l'employeur de modifier unilatéralement la rémunération contractuelle du salarié ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la rémunération d'un salarié malgré l'élévation de son coefficient hiérarchique n'avait pas augmenté au motif que son coefficient " d'individualisation ", déterminé en fonction de sa valeur professionnelle et de la qualité du travail fourni, avait été abaissé corrélativement par une décision unilatérale de l'employeur, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, d'où il résultait une modification du contrat de travail de l'intéressée, et a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen. 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 3 juillet 2001 N° de pourvoi: 99-42761 

  

Arrêt du 5 mai 2010 

Extrait de l’arrêt :

Attendu, cependant, que le mode de rémunération contractuel d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que le nouveau mode soit plus avantageux ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait, sans recueillir l'accord du salarié, modifié sa rémunération contractuelle, ce dont elle devait déduire que la prise d'acte de la rupture par le salarié était justifiée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur les autres branches :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 5 mai 2010 N° de pourvoi: 07-45409

Arrêt du 12 janvier 2011 

Extrait de l’arrêt :

Attendu, cependant, que le mode de rémunération contractuel d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord peu important que le nouveau mode soit plus avantageux ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait, sans recueillir l'accord du salarié, modifié sa rémunération contractuelle, ce dont elle devait déduire que la demande en résiliation judiciaire était fondée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et les demandes de condamnation de l'employeur à payer au salarié des sommes à titre de dommages et intérêts, de dommages et intérêts s'agissant des rappels de commissions, et de dommages et intérêts au regard de la modification du système de commissionnement contractuellement prévu, l'arrêt rendu le 22 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ; 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 12 janvier 2011 N° de pourvoi: 09-71366

Les conséquences des 2 arrêts du 12 juin 2014

Sans remettre en cause le fait que la modification unilatérale du mode de rémunération constitue un manquement de l’employeur, la Cour de cassation précise que ce manquement ne constitue pas automatiquement un motif permettant de prononcer la résiliation judiciaire du contrat.

Par extension, nous pouvons appliquer ce même raisonnement en cas de prise d’acte. 

Il conviendra donc de déterminer si la modification du mode de rémunération a une influence suffisamment importante pour empêcher la poursuite des relations contractuelles.

Si cela est le cas, la résiliation judiciaire pourra être prononcée ou la prise d’acte produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou nul éventuellement).

Dans le cas contraire, comme cela est le cas dans les 2 affaires que nous abordons aujourd’hui, la résiliation judiciaire n’est pas prononcée et la prise d’acte n’est pas justifiée (produisant ainsi les effets d’une démission). 

Dernière précision importante, la modification unilatérale n’est pas admise, ce qui permettra alors au salarié d’obtenir le rétablissement du salaire initialement calculé. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu, ensuite, que la formation de référé du conseil de prud'hommes, qui a relevé que l'employeur avait imposé au salarié une modification unilatérale de sa rémunération contractuelle, a pu décider que cette violation du contrat de travail constituait un trouble manifestement illicite dont la cessation imposait le rétablissement du salaire initial ;

D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 18 février 1998 N° de pourvoi: 97-41916 

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