Dépassement de forfait téléphone : la retenue sur salaire est une sanction pécuniaire illicite

Jurisprudence
Sanctions

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La présente affaire concerne un salarié engagé le 26 février 2001, en qualité de vendeur démonstrateur à temps partiel.

Il est licencié le 29 décembre 2007, pour faute grave.

A l’appui de cette rupture du contrat de travail, l’employeur invoque la mauvaise foi du salarié dans l'exécution du contrat de travail dans la mesure où il prétendait que le travail était à temps plein et non partiel et où il avait créé de toutes pièces un litige, le refus réitéré de respecter les horaires et, de manière générale, l'indiscipline, l'entretien permanent d'une polémique sur la nature du contrat de travail (temps plein/ temps partiel), les perturbations à l'intérieur de l'entreprise (appels téléphoniques en direction de salariés de l'entreprise pour obtenir des attestations mensongères et aussi pour les menacer d'un prochain licenciement les concernant dans un but de déstabilisation). 

Le salarié saisit la juridiction prud'homale d'une demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et en paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaires, notamment une retenue sur salaire effectuée par son employeur, au motif d’un dépassement du forfait téléphone portable mis à disposition par son entreprise. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande de restitution de 1.122 € au titre des retenues sur salaire effectuées par son employeur pour dépassement forfait téléphone. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en restitution de la somme de 1 122 euros retenue sur son salaire, l'arrêt retient que, dans le cadre de la relation de travail, l'employeur avait mis à disposition du salarié un téléphone portable comportant un forfait de six heures de communications pour un montant de 71, 29 euros ; que l'employeur ne saurait être tenu au-delà et que c'était à bon droit qu'il avait retenu sur le salaire le dépassement du forfait ; 

Ce n’est pas du tout l’avis de la Cour de cassation, estimant que la retenue sur salaire réalisée par l’employeur devait s’analyser en sanction pécuniaire illicite. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que la retenue d'une somme au seul motif du dépassement du forfait téléphonique attaché au téléphone professionnel du salarié constitue une sanction pécuniaire illicite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-30148

Profitons du présent arrêt pour rappeler quelques notions importantes concernant les sanctions. 

Délai pour sanctionner des faits fautifs 

Le code du travail donne une règle très précise concernant le délai pendant lequel l’employeur pourra prononcer une sanction vis-à-vis de son salarié.

Ainsi, un délai de 2 mois est possible, à partir du moment où l’employeur a connaissance des faits pour prononcer une sanction (blâme, avertissement ou licenciement éventuellement). 

Article L1332-4 

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Prescription des sanctions

De la même façon, un employeur ne peut prononcer une nouvelle sanction en rappelant des sanctions antérieures au-delà d’un délai de 3 ans. 

Article L1332-5 

Aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction.

  

Sanctions pécuniaires interdites

L’article L 1331-2, que nous reproduisons en suivant, rappelle que les sanctions qualifiées de pécuniaires sont interdites. 

En outre la méconnaissance des dispositions légales est punissable d’une amende de 3.750 €. 

Article L1331-2

Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites.

Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite.

  

Article L1334-1

Le fait d'infliger une amende ou une sanction pécuniaire en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1331-2 est puni d'une amende de 3 750 euros.

   

Exemple de sanction pécuniaire 

Dans une précédente affaire, que vous pouvez retrouver en détails sur notre site en cliquant ici, la Cour de cassation avait considéré que priver un salarié de sa place de parking constituait une sanction pécuniaire, au titre que la mise à disposition d’une place de parking s’assimilait à un véritable avantage en nature.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts au titre de la suppression, par son employeur, de la place de parking dont il disposait, l'arrêt se borne à énoncer qu'il ne justifie d'aucun préjudice financier ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la place de parking n'avait été attribuée qu'au seul salarié et mise à sa disposition de manière permanente, ce dont il résultait qu'il s'agissait d'un avantage en nature dont la suppression par l'employeur était constitutive d'une sanction pécuniaire prohibée causant nécessairement un préjudice au salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; 

Cour de cassation du 22/06/2011, pourvoi 08-40455

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