Menacer son employeur, y compris pendant un arrêt de travail, peut justifier un licenciement pour faute grave

Jurisprudence
Licenciement

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Cet article a été publié il y a 9 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

C’est une affaire peu banale que nous abordons.

Un salarié est engagé le 1er août 2006 en qualité de directeur de magasin, par une société dont le dirigeant est son beau-père.

Le salarié est en arrêt de travail pour maladie, mais pendant cette suspension du contrat de travail il se rend dans les locaux de l’entreprise, le 6 juillet 2009.

A cette occasion, il menace son beau-père (donc son employeur) suite au refus de ce dernier de lui verser une indemnité transactionnelle.

Extrait de l’arrêt :

 il résulte clairement de la lettre de licenciement et du déroulement de la procédure que la décision de l'employeur de rompre unilatéralement le contrat de travail procède du comportement adopté par Monsieur X... à l'égard de son beau-père, dirigeant de la société, Monsieur Y..., le lundi 6 juillet 2009, à la suite du refus de ce dernier de céder à ses exigences concernant le versement d'une indemnité transactionnelle de rupture de 30 000 € en sus du préavis et des congés payés et de l'indemnité légale de licenciement ; que Monsieur X... ne conteste pas formellement dans ses écritures les propos qui lui sont attribués dans la lettre de licenciement telles que les menaces de plaintes auprès de l'inspection du travail et du médecin du travail et il reconnaît que la discussion a été animée, niant toutefois avoir tenu des propos injurieux

Finalement le salarié est licencié pour faute grave par lettre du 18 juillet 2009, mais il saisit la juridiction prud’homale aux fins notamment de voir requalifier la rupture de son contrat en un licenciement pour cause réelle et sérieuse. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande. 

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et rejette le pourvoi.

Les juges considérant en l’espèce que les menaces proférées de manière virulente à l'encontre de son employeur afin de le contraindre à accepter ses conditions d'une rupture du contrat de travail, traduisaient une dégradation irréversible de la relation de travail et la volonté du salarié de se placer en dehors du lien de subordination, justifiait son licenciement pour faute grave. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'ayant relevé, sans excéder les limites du litige et sans statuer par un motif hypothétique, que les menaces proférées de manière virulente à l'encontre de son employeur afin de le contraindre à accepter ses conditions d'une rupture du contrat de travail, traduisaient une dégradation irréversible de la relation de travail et la volonté du salarié de se placer en dehors du lien de subordination, la cour d'appel a pu décider que le salarié avait ainsi manqué à son obligation de loyauté qui subsiste lorsque le contrat de travail est suspendu ;

Que le moyen, irrecevable en ses deuxième, troisième et quatrième branches comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-28822

Profitons de la présente affaire pour rappeler quelques notions importantes entourant le contrat de travail et les obligations de loyauté du salarié envers son employeur.

Ce qui définit le contrat de travail

La Cour de Cassation s’est prononcée de nombreuses fois afin de savoir si deux personnes étaient liées ou non par un contrat de travail. 

Il faut avoir à l’esprit qu’il y a contrat de travail, à partir du moment où 3 éléments sont cumulativement respectés: 

  1. Prestation : le salarié doit réaliser un travail pour lequel a été conclu le contrat de travail ET l’employeur doit lui fournir du travail ;
  2. Subordination : le salarié exerce son activité sous les ordres de son employeur ;
  3. Rémunération : toute personne ayant un contrat de travail doit être rémunérée selon le travail réalisé, sinon il s’agit d’un acte de bénévolat. 

Les cas de suspension du contrat de travail

Les juges de la Cour de cassation se penchent sur l’obligation de loyauté dont doit faire preuve le salarié, y compris lorsque son contrat est suspendu. 

Rappelons les cas pour lesquels le contrat de travail (quelle que soit sa nature) est réputé être « suspendu » (liste non exhaustive) . 

  • Arrêt de travail pour maladie ;
  • Arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou maladie professionnelle;
  • Congé de maternité ;
  • Congé de paternité et d’accueil de l’enfant ;
  • Congé d’adoption ;
  • Congé parental ;
  • Congé sabbatique ;
  • Congé sans solde ;
  • Congé création ou reprise d’entreprise ;
  • Congé Individuel de Formation (CIF) ;
  • Obligations militaires (réservistes, conflit) ;
  • Activité du conseiller municipal, conseil des prud’hommes, jury d’assise, jury d’examen ;
  • Congés pour convenance personnelle, pour évènements familiaux ;
  • Congés payés ;
  • Grève ;
  • Mise à pied disciplinaire ;
  • Mise à pied conservatoire ;
  • Lock-out (fermeture temporaire de l’usine par l’employeur)
  • Chômage technique (chômage partiel) ;
  • Force majeure (décision de justice intempéries, etc.).

Conséquences de la suspension du contrat de travail

Lorsque le contrat de travail est suspendu, certains éléments remarquables sont à connaître :

La suspension du contrat de travail n’oblige pas l’employeur à rémunérer obligatoirement le salarié

  • Certains cas de suspension n’entraînent aucun paiement : grève, congé sans solde, etc. ;
  • Certains cas prévoient un complément de l’employeur : arrêt de travail pour maladie, accident du travail, etc. ;
  • Enfin, certains cas obligent les employeurs à rémunérer intégralement le salarié : congés pour évènements familiaux, congés payés, etc.

L’ancienneté continue à être prise en compte pendant la suspension du contrat

Certaines conventions collectives, accords collectifs ou dispositions légales prévoient que la suspension du contrat de travail ne suspend pas « l’horloge de l’ancienneté ».

Il est prudent de vérifier pour chaque cas concerné, les dispositions prévues à cet effet.

Obligation de fidélité et de discrétion du salarié

Le fait que le salarié voit son contrat de travail suspendu ne le prive pas de son obligation de fidélité, loyauté et discrétion vis-à-vis de son employeur, même si aucune rémunération ne lui est versée.

Permet au salarié de revenir à tout moment

Lorsque l’évènement qui a provoqué la suspension du contrat de travail prend fin, le salarié peut reprendre son travail sans avoir à solliciter l’autorisation de son employeur.

Et pour l’affaire présente ?

Dans son présent arrêt, la Cour de cassation rappelle que l’obligation de loyauté s’exerce de la même façon lorsque le contrat de travail est suspendu, comme le confirme l’extrait qui suit :

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'ayant relevé, sans excéder les limites du litige et sans statuer par un motif hypothétique, que les menaces proférées de manière virulente à l'encontre de son employeur afin de le contraindre à accepter ses conditions d'une rupture du contrat de travail, traduisaient une dégradation irréversible de la relation de travail et la volonté du salarié de se placer en dehors du lien de subordination, la cour d'appel a pu décider que le salarié avait ainsi manqué à son obligation de loyauté qui subsiste lorsque le contrat de travail est suspendu ;

Que le moyen, irrecevable en ses deuxième, troisième et quatrième branches comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Par voie de conséquence, le comportement du salarié durant son arrêt de travail pouvait tout à fait justifier son licenciement pour faute grave, le salarié est donc débouté de sa demande.

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