Une clause de dédit-formation prévoyant le remboursement des heures en formation n’est pas licite

Jurisprudence
Contrat de travail

Publié le
Mis à jour le
Télécharger en PDF

Cet article a été publié il y a 10 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Un salarié est engagé par contrat de travail du 24 avril 2007, par une compagnie aérienne, en qualité de pilote.

Le même jour, les parties ont signé une convention par laquelle le salarié s'engageait à suivre une formation à l'initiative de son employeur destinée à acquérir une qualification et, en cas de démission avant un délai de 3 ans, à rembourser le coût total de la formation dont il avait bénéficié comprenant notamment le montant de la rémunération versée durant la formation et les charges correspondantes.

Finalement, le salarié démissionne le 12 février 2008, soit moins d'un an après avoir été embauché et 6 mois après la fin de la formation.

Son employeur saisit la juridiction prud'homale pour obtenir paiement d'une somme au titre de la clause de dédit-formation.

Dans un premier temps, la cour d'appel juge la clause de dédit-formation licite, permettant la condamnation du salarié à rembourser les frais de formation, y compris les salaires correspondants.

Ce n'est pas du tout l'avis de la Cour de cassation qui casse et annule l'arrêt de la cour d'appel.

Sa position est tout à fait claire en l'espèce, une clause de dédit-formation prévoyant le remboursement des rémunérations versées durant la formation est nulle selon elle.

Extrait de l'arrêt

Attendu, selon le premier de ces textes, que toute action de formation suivie par un salarié pour assurer son adaptation au poste de travail constitue un temps de travail effectif et donne lieu pendant sa réalisation au maintien par l'entreprise de la rémunération ; qu'il en résulte que la clause de dédit-formation, qui prévoit qu'en cas de départ prématuré, le salarié devra rembourser les rémunérations qu'il a perçues durant sa formation, est nulle ; (...)

Attendu que pour condamner le salarié à payer à l'employeur une somme au titre du dédit pour la formation Embraer 135-145, l'arrêt énonce que le montant de l'indemnité prévue est bien proportionné aux frais de formation engagés, puisqu'il correspond au montant des frais réels exposés par l'employeur pour celle-ci, soit 29 986,85 euros, qu'en outre, le montant de l'indemnité réclamée tient compte de la formation déjà "amortie" puisqu'elle est calculée proportionnellement au temps restant à courir sur le nombre de mois pendant lesquels l'intéressé s'est engagé à rester au sein de la société, celui-ci n'étant pas tenu de rembourser la totalité du coût de la formation, quelle que soit la date de son départ ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la clause stipulait le remboursement par le salarié des rémunérations qu'il avait perçues durant sa formation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; (...)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge licite la clause de dédit-formation, condamne M. X... à payer la somme de 22 490,14 euros à ce titre et rejette la demande du salarié tendant au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation des jours prévus par l'article L. 6525-4 du code des transports, l'arrêt rendu le 15 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Cour de cassation du , pourvoi n°11-16032

La présente affaire nous permet de rappeler quelques éléments importants concernant cette clause particulière du contrat de travail : la clause de dédit-formation.

Principe et objectif

C'est une clause par laquelle le salarié s'engage à restituer à l'employeur tout ou partie des frais de formation engagés pour lui s'il vient à quitter l'entreprise avant le délai fixé par la clause.

Donc le salarié s'engage à :

  • Rester au sein de l'entreprise pendant un certain temps

OU

  • Rembourser tout ou partie des frais de formation en cas de départ « anticipé ».

Cette clause est autorisée sous réserve que la Convention collective ne l'interdise pas.

Conditions de validité

5 conditions doivent être remplies pour que cette clause soit valide.

Avant le début de la formation

Cette clause doit être rédigée avant le début de la formation en précisant :

  • La date ;
  • La nature ;
  • La durée de la formation ;
  • Son cout réel pour l'entreprise ;
  • Le montant des pénalités et remboursement à la charge du salarié en cas de départ anticipé.

Cout formation

  • Le cout de la formation doit être supérieur aux frais réels imposés par la loi ou la convention collective.

Clause de remboursement

La clause de remboursement doit porter sur des frais réels (frais d'inscription et annexes par exemples).

Obligation proportionnelle

L'obligation du salarié doit être proportionnelle aux dépenses engagées par l'employeur.

Démission

Le salarié doit garder la possibilité de démissionner, il n'est donc pas possible d'interdire au salarié de démissionner, il sait seulement qu'il s'engage à rembourser les frais de formation.

De nombreux cas de jurisprudence confirment ce point.

Cour de cassation du 17/07/1991 n° 88-40201

Cour de cassation du 21/05/2002 n° 00-42909

Cour de cassation du 5/06/2002 n° 00-44327

Contrat de professionnalisation

Il est impossible d'insérer une clause de dédit-formation dans les contrats de professionnalisation.

Remboursement « progressif »

La clause doit prévoir un remboursement étalonné en fonction du temps de présence du salarié dans l'entreprise.

Cette clause pourrait ainsi prévoir :

  • Un remboursement de x % des frais de formation engagés pour un temps de présence minimum de ...

Remboursement même pendant la période d'essai

Sous réserves que l'action de formation ait été engagée pendant la période d'essai, le salarié peut être amené à rembourser les frais de formation engagés par lui lorsqu'il rompt la période d'essai.

Cour de cassation du 5/06/2002 n° 00-44327

Il semble prudent de prévoir ce cas particulier dans la clause elle-même.

Licenciement pour faute grave

La Cour de cassation a admis que l'application puisse se faire dans le cadre d'un licenciement pour faute grave.

Précisons que dans cette affaire, la clause de dédit-formation était prévue en cas de :

  • Démission ;
  • Licenciement pour faute grave.

Extrait de l'arrêt

(...) prévoyant une formation professionnelle du 21 octobre 2002 au 15 novembre 2002, prise en charge par l'employeur, le salarié s'engageant en contrepartie à accepter un poste de conducteur-livreur et, en cas de démission ou de licenciement pour faute grave dans les trois ans suivant la fin de cette formation, à rembourser les frais de formation

Cour de cassation du 14/12/2005 n° 04-42660

Licenciement pour faute : pas d'application de la clause

Dans une autre affaire jugée récemment, la Cour de cassation a considéré que la clause de dédit-formation n'était pas admissible lorsque la rupture du contrat de travail, était à l'initiative de l'employeur.

Extrait de l'arrêt :

2°) ALORS QUE la clause de dédit-formation ne s'applique au salarié que s'il prend l'initiative de rompre le contrat de travail ; qu'en appliquant à Monsieur X... la clause de dédit formation au motif inopérant que la rupture de son contrat de travail reposait sur une faute grave et lui était imputable, quand il était constant que l'employeur avait pris l'initiative de la rupture en procédant au licenciement de Monsieur X..., la cour d'appel a derechef violé l'article 1134 du Code civil.

Cour de cassation du 10/05/2012 pourvoi 11-10571

Et en cas de prise d'acte ?

Le salarié qui prend acte de la rupture du contrat de travail et dont les griefs sont fondés, voit la prise d'acte prendre les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

On peut imaginer alors que la clause de dédit-formation ne lui est pas opposable.

Ce ne serait pas le cas si la prise d'acte reposait sur des griefs infondés, la rupture produirait alors les effets d'une démission.

Cour de cassation chambre sociale
Audience publique du mercredi 11 janvier 2012 N° de pourvoi: 10-15481

Accès à votre contenu même hors ligne

Recevez ce contenu par email

ou
ou

Réagir à cet article

Avez-vous trouvé cet article utile ?

Aucune note, soyez le premier à noter cet article

Votre note :

Commentaires

Aucun commentaire, soyez le premier à commenter cet article

Votre commentaire sera publié après connexion.

Une question sur cet article ?

Posez votre votre question sur le forum

Les questions liées sur le forum