La prise d’acte de la rupture par un salarié protégé produit les effets d’un licenciement nul

Jurisprudence
Indemnités rupture

Publié le
Mis à jour le
Télécharger en PDF

Cet article a été publié il y a 11 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

La présente affaire concerne un salarié, engagé le 28 janvier 2005, et membre suppléant du comité d’entreprise. 

Le 15 mai 2007, il prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur et saisit la juridiction prud’homale. 

Dans un premier temps, la cour d’appel considère que les griefs invoqués par le salarié envers son employeur sont justifiés.

Elle considère par contre, que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, rejetant la demande en nullité du salarié protégé, partant du principe que :

  • Que le salarié était à l’initiative de la rupture du contrat de travail ;
  • ET que l’inspection du travail n’avait pas de fait donné l’autorisation de licenciement. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes en nullité du licenciement et paiement de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, la cour d'appel retient, d'une part, que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison des manquements de l'employeur et, d'autre part, que la demande de nullité du licenciement n'est pas fondée dès lors que le salarié ayant pris l'initiative de la rupture, l'inspection du travail n'a pas donné l'autorisation de licenciement de ce fait ;

Ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui censure l’arrêt de la cour d’appel et renvoie les deux parties devant une nouvelle cour d’appel.

Pour les juges de la Cour de cassation, la prise d’acte justifiée par un salarié protégé, produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que lorsqu'un salarié ayant la qualité de membre du comité d'entreprise prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur lorsque les faits invoqués la justifiaient, de sorte que le salarié peut prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours, la cour d'appel a violé les textes susvisés  

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a constaté la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur le 15 mai 2007, l'arrêt rendu le 4 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Cour de cassation du , pourvoi n°11-23764

Profitons de cette affaire pour rappeler quelques notions importantes entourant la prise d’acte de rupture du contrat de travail.

Définition générale

Seul le salarié peut être à l’origine de la rupture. 

Ainsi, il peut notifier à son employeur qu’il prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison d’agissements que le salarié juge répréhensibles (par exemple le non respect du repos hebdomadaire, d’heures supplémentaires non payées, d’une diminution unilatérale de sa rémunération, etc.)

La prise d'acte rompt immédiatement le contrat. 

Le salarié quitte ainsi l’entreprise sans avoir à effectuer un préavis. 

Pour quels salariés ?

Seul le salarié en CDI peut utiliser ce mode de rupture. 

Un salarié titulaire d'un mandat protecteur (IRP Instances Représentatives du Personnel, représentant syndical) peut aussi prendre acte de la rupture de son contrat de travail, comme l’indique l’affaire présente. 

Possible pour l’employeur ?

Les employeurs qui souhaitent rompre un contrat de travail doivent procéder à un licenciement, car la rupture du contrat sans le respect de la procédure de licenciement s’analysera automatique comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, selon les jurisprudences

Cour de cassation  25/06/2003   pourvois  01-41150 et 01-40235.

La rupture du contrat s’impose à l’employeur

La prise d’acte par le salarié s’impose à l’employeur comme le confirme la Cour de cassation dans un arrêt de 2008.

 Cour de cassation du 04/06/2008  numéro 06-45757 

Sous quelle forme ?

La prise d’acte n’est soumise à aucun formalisme.

La plupart du temps, le salarié envoie une lettre recommandée avec avis de réception (LRAR) ou il remet son courrier directement à l'employeur, par lettre remise en main propre contre décharge.

Cela a l’avantage de dater précisément la prise d'acte et de ne laisser aucun doute sur le mode de rupture.  

L’employeur n’a pas l’obligation de confirmer la prise d’acte de la rupture du contrat de travail. 

Notons que ladite lettre peut même être présentée par une personne agissant en tant que conseil du salarié, comme un avocat au nom de celui-ci.

Cour de cassation du 04/04/2007 pourvoi  05-42847

Un « pari » sur l’avenir… 

Le salarié, en prenant acte de la rupture du contrat de travail, réalise un véritable « pari » sur l’avenir. 

En effet, la prise d’acte peut (en fonction de la décision des juges du fonds) avoir une des deux conséquences suivantes : 

  • Les griefs invoqués par le salarié sont recevables : la prise d’acte produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
  • Les griefs invoqués par le salarié ne sont pas recevables : la prise d’acte produit les effets d’une démission du salarié.  

La prise d’acte produit les effets d’une démission 

Dans ce cas, le salarié n’aura pas droit au paiement :

  • De l’indemnité de licenciement.
  • De l’indemnité compensatrice de préavis
  • De dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Il est de plus possible qu’il soit redevable de dommages et intérêts auprès de son employeur, compte tenu du fait qu’il aura démissionné en ne respectant pas l’éventuel préavis dont il était éventuellement redevable. 

La prise d’acte est justifiée selon les juges 

Salarié non protégé: 

Dans le cas, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie alors une indemnité au salarié qui peut prétendre à : 

  • Une indemnité de licenciement ;

Notons que l’ancienneté est prise en compte à la prise d’acte.

Cour de cassation du 28/09/2011 Pourvoi n° 09-67510 FSPB

  • Une indemnité compensatrice de préavis (le préavis n’a pas été effectué compte tenu de la prise d’acte par le salarié) ;
  • Des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en respect de l’article  L 1235-3, (minimum 6 mois de salaire), cette somme est exonérée de cotisations sociales et d’imposition sur le revenu au titre de dommages et intérêts;
  • Une indemnité compensatrice des congés payés. 

Article L1235-3

Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.

Ajoutons que s'il s'agit d'un salarié justifiant d'au moins 2 ans d'ancienneté, employé dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés, Pôle emploi peut, au surplus, demander à l'employeur de lui rembourser les allocations de chômage versées au salarié ayant pris acte de la rupture, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage selon les articles L 1235-4, L 1235-5 et R 1235-1 du code du travail.

Article L1235-4

Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Article L1235-5

Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :

1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l'article L. 1235-2 ;

2° A l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3 ;

3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4.

Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Toutefois, en cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 1232-4 et L. 1233-13, relatives à l'assistance du salarié par un conseiller, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2 s'appliquent même au licenciement d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés.

Article R1235-1

Modifié par Décret n°2008-1010 du 29 septembre 2008 - art. 7

Lorsque le jugement ordonnant d'office le remboursement par l'employeur fautif de tout ou partie des allocations de chômage, prévu à l'article L. 1235-4, est exécutoire, l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1, pour le compte de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage prévu à l'article L. 5427-1 peut poursuivre leur recouvrement devant le tribunal d'instance du domicile de l'employeur. Tout autre juge se déclare d'office incompétent.

Lorsque le licenciement est jugé comme ne résultant pas d'une faute grave ou lourde, une copie du jugement est transmise à l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1, dans les conditions prévues à l'article R. 1235-2.

Salarié  protégé:

C’est l’objet de la présente affaire, qui confirme que la prise d’acte, lorsqu’elle est justifiée, produit les effets d’un licenciement nul.

Dans ce cas, le salarié est en droit de demander sa réintégration dans l’entreprise.

Cour de cassation du 5/07/2006 pourvoi 04-46009

Cour de cassation du 11/02/2009 pourvoi 07-44687

Si la réintégration n’a pas lieu, le salarié pourra alors prétendre au paiement :

  • D’une indemnité au titre de la violation du statut protecteur, égale à la rémunération brute que le salarié aurait perçue entre la date de rupture du contrat de travail et l'expiration de la période de protection ;

Cour de cassation du 10 mai 2006, pourvoi  04-40901

  • D’une indemnisation au titre du licenciement nul : indemnité réparant le préjudice lié au caractère illicite de la rupture (avec un minimum de 6 mois de salaire).
  • D’une indemnité compensatrice de préavis
  • D’une indemnité de licenciement ;
  • D’une indemnité compensatrice des congés payés.

Accès à votre contenu même hors ligne

Recevez ce contenu par email

ou
ou

Réagir à cet article

Avez-vous trouvé cet article utile ?

Aucune note, soyez le premier à noter cet article

Votre note :

Commentaires

Aucun commentaire, soyez le premier à commenter cet article

Votre commentaire sera publié après connexion.

Une question sur cet article ?

Posez votre votre question sur le forum

Les questions liées sur le forum