Clause de mobilité : prévenir la salariée 24 heures est un peu… précipité !

Jurisprudence
Contrat de travail

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La présente affaire concerne une salariée engagée le 17 mai 1993, en qualité de vendeuse dans une boulangerie. 

Elle est licenciée le 17 décembre 2007 pour avoir refusé son affectation dans un autre magasin. 

Sa lettre de licenciement indique d’ailleurs : 

Extrait de l’arrêt

"Vous persistez à ne pas accepter la mutation sur notre établissement situé …, alors qu'une clause de mobilité a été prévue sur votre contrat de travail, et que vous l 'avez accepté. Nous vous voyons donc contraints de procéder à votre licenciement pour refus de mutation "

La salariée décide de saisir la juridiction prud’homale d’une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute la salariée de sa demande. 

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, les juges cassent et annulent l’arrêt de la cour d’appel et renvoient les deux parties devant une nouvelle cour d’appel. 

Extrait de l’arrêt

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 7 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Les juges de la Cour de cassation relèvent que la salariée avait été prévenue moins de 24 heures avant le changement de lieu de travail, que la cour d’appel s’était abstenue de rechercher si l’employeur n’avait pas agi de façon précipitée en lui imposant un délai insuffisant. 

Extrait de l’arrêt 

ALORS par ailleurs QUE Madame X... avait soutenu qu'elle avait été avisée du changement du lieu de travail moins de 24 heures avant son effectivité, ce qui ne constituait pas un délai de prévenance suffisant et que l'employeur avait agi de façon précipitée ; que la Cour d'appel ne s'est pas prononcée sur ce point ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si l'employeur n'avait pas agi de façon précipitée en lui imposant un délai insuffisant, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L 1222-1 et L 1232-1 du Code du Travail

Cour de cassation du , pourvoi n°11-22645

Profitons de cette affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant la clause de mobilité.

Principe et objectif

Cette clause permet à l’employeur de se réserver la possibilité de modifier le lieu de travail du salarié et cela sans son accord:

  • La mutation du salarié = modification des modalités d’exécution du contrat de travail ;
  • Le refus du salarié= sanction disciplinaire qui peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave.

Conditions de validité ?

On peut dénombrer 7 conditions de validité  à respecter : 

1.    Sur le contrat de travail : 

Elle doit être expressément indiquée sur le contrat de travail (sauf dispositions conventionnelles contraires). 

2.    La zone géographique précise : 

La clause doit préciser la zone géographique de mobilité en sachant qu’aucune disposition légale ne limite la distance ou l’éloignement qui peut être imposé au salarié.

Le salarié peut donc voir sa clause de mobilité porter sur un département, une région, toute la France, et pourquoi pas sur plusieurs pays. 

3.    Le respect de la convention collective :

Avant d’insérer une telle clause dans un contrat de travail, l’employeur doit veiller au respect des procédures prévues par la convention collective dont il dépend. 

4.    Changement unilatéral impossible :

L’employeur ne peut sans l’accord du salarié modifier la zone géographique concernée par la clause.

Cette modification unilatérale serait alors interprétée comme la modification du contrat de travail sans l’accord du salarié, qui pourrait conduire par exemple à une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié. 

5.    Rupture automatique du contrat :

L’employeur ne peut en aucun cas prévoir la rupture automatique du contrat en cas de refus du salarié de se soumettre à cette clause de son contrat de travail.

Cour de cassation 19/05/2004 n° 02-43252 D

6.    Clause conforme aux intérêts légitimes de l’entreprise : 

Elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et être proportionnée au but recherché et aux activités du salarié.

Dans le cas contraire, le salarié serait en droit de refuser la mutation.

Son refus ne pourrait en aucun cas être considéré comme un motif permettant un licenciement. 

7.    Un délai de prévenance doit être respecté. 

Si la convention collective en prévoit un bien entendu, sachant qu’il n’existe pas de délai minimum légal. 

C’est bien l’objet de la présente affaire : un délai de 24 heures n’est assurément pas suffisant ! 

La clause de mobilité ne doit pas être confondue avec la clause prévoyant des déplacements professionnels.

Ainsi, la clause prévoyant la réalisation du travail dans un lieu différent du lieu d’affectation en fonction des nécessités de l’entreprise ne doit pas être assimilée à une clause de mobilité.

Cour de cassation du 27/05/1998 n° 96-40.929P

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