Licencié pour avoir refusé… d’être vacciné !

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Indemnité de licenciement

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Derrière ce titre surprenant, se cache une affaire très… particulière et un récent arrêt de la Cour de cassation qui, selon nous, se prononce pour la 1ère fois sur un licenciement prononcé envers un salarié qui refuse une vaccination ! 

L’affaire concernée

Elle concerne un salarié engagé le 7/01/1982, en qualité d’employé des pompes funèbres.

Le 7/09/2007, le médecin du travail prescrit sa vaccination obligatoire contre l’hépatite B. 

Le salarié est licencié le 7/12/2007, pour cause réelle et sérieuse. 

Le motif de son licenciement : avoir refusé de se faire vacciner ! 

Les échanges de courrier puis… la notification du licenciement ! 

L’employeur adresse un courrier le 11/09/2007, invitant le salarié à fournir un certificat médical attestant de sa vaccination, suite à la recommandation du médecin du travail (En effet, lors de la visite annuelle du 7/09/2007, la médecine du travail avait indiqué que le salarié était apte à la profession funéraire sous réserve d’une vaccination contre l’hépatite B). 

Il était indiqué qu’en cas de refus, l’employeur serait obligé à prendre des mesures qui s’imposent. 

Le jour même, le salarié répond par courrier et demande des précisions sur les sanctions encourues en cas de refus. 

L’employeur répond le 20/09/2007, en confirmant que le refus de vaccination remettait en cause le maintien du contrat de travail. 

Le 2/10/2007, le salarié argumente auprès de son employeur, en indiquant que le fait de ne pas être vacciné ne portait pas préjudice à l’entreprise, en cas de contamination lui seul serait atteint.

Il propose même de signer une attestation déchargeant l’entreprise de toute responsabilité. 

Le 29/10/2007, l’employeur refuse la proposition du salarié, le met en demeure de fournir un certificat médical dans un délai de 15 jours. 

Finalement, l’employeur notifie le licenciement le… 7/12/2007 ! 

Extrait de la lettre de licenciement

« … Lors de la visite annuelle du médecin du travail le 7 septembre 2007, le docteur Z..., médecin du travail, a rédigé votre fiche médicale dans les termes suivants : « apte à la profession funéraire, vaccination contre l'hépatite B obligatoire à effectuer » dès lors, par courrier du 11 septembre 2007, nous vous avons mis en demeure de nous fournir un certificat médical attestant que vous étiez vacciné contre l'hépatite B dans un délai de 15 jours tout en vous précisant qu'un refus de votre part nous obligerait à prendre des mesures qui s'imposent. Dès le 11 septembre, vous nous avez demandé de vous indiquer les sanctions légales appliquées en cas de refus de votre part qui nous obligerait à prendre les mesures qui s'imposent. Par courrier du 20 septembre nous vous avons précisé qu'un refus de votre part de vous soumettre à la vaccination contre l'hépatite B serait susceptible de remettre en cause le maintien de votre contrat de travail au sein de l'entreprise. Nous vous indiquions également que nous interrogions le médecin du travail afin de savoir s'il existe d'autres solutions en lieu et place de la vaccination contre l'hépatite B. Ce dernier nous a répondu que les autres moyens de protection (gants notamment) n'étaient pas aussi efficaces que la vaccination. Par courrier du 2 octobre2007, vous avez tenté de nous expliquer que votre non vaccination ne pouvait pas porter préjudice à la société puisqu'en cas de transmission vous seul serez atteint. Vous êtes allé jusqu'à proposer de rédiger une attestation déchargeant l'entreprise de toute responsabilité en cas de contamination, par l'hépatite B dans le cadre de votre activité professionnelle. Il ne nous est possible d'accepter une telle proposition qui n'aurait aucune valeur juridique devant les juridictions compétentes. Dès lors par courrier du 29 octobre 2007 nous avons demandé une dernière fois de fournir un certificat médical attestant que vous êtes vacciné contre l'hépatite B et ce, dans un délai de 15 jours. A ce jour vous ne nous avez toujours pas remis ce document. Or l'arrêté du 15 mars 1991 impose aux personnes employées dans des entreprises de pompes funèbres d'être immunisées contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Cette obligation est confirmée par l'article 211 de la Convention collective des pompes funèbres qui dispose que « conformément aux dispositions légales, les salariés exposés à des risques de contamination doivent se soumettre aux vaccinations obligatoires (…) » Malgré nos mises en demeure, nos explications verbales et les contacts que vous avez eus avec la médecine du travail, vous refusez délibérément et sans justification médicale, de vous soumettre à la vaccination contre l'hépatite B. Votre attitude conduit la société à se trouver dans une situation d'illégalité puisque contraire aux dispositions légales et conventionnelles en matière d'hygiène et de sécurité. Au regard notamment de notre obligation de sécurité de résultat, nous ne saurions tolérer qu'un de nos collaborateurs se soustraie volontairement aux prescriptions réglementaires en matière d'hygiène et de sécurité. Dès lors nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse … » 

Une demande de l’employeur conforme aux dispositions conventionnelles 

La demande présente de l’employeur est en conformité avec les dispositions de la convention collective du secteur, et plus précisément son article 211. 

Extrait de la Convention collective nationale des pompes funèbres du 1er mars 1974. Etendue par arrêté du 17 décembre 1993 JORF 28 janvier 1994. 

Article 211
En vigueur étendu en date du 13 mai 2009  

Il est fait application de l'article L. 122.4.5 du code du travail, qui prévoit notamment qu'il est interdit de refuser d'embaucher une personne en raison de ses moeurs ou de sa situation de famille.

Pour les emplois qui le justifient, un examen ou un essai technique pourra être demandé.

Conformément aux dispositions légales, les salariés exposés à des risques de contamination doivent se soumettre aux vaccinations obligatoires et respecter les mesures de protection, et notamment celles concernant la vaccination et le port d'équipement de protection fourni par l'employeur (masques, gants, chaussures, etc.).

De son côté, la demande de la médecine du travail était conforme à un arrêté du 15/03/1991 rendant obligatoire la vaccination des salariés dans ce secteur d’activité. 

Arrêté du 15 mars 1991 fixant la liste des établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soins dans lesquels le personnel exposé doit être vacciné 

J.O. du 3 avril 1991 

Art. 1er

Toute personne exposée à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite lorsqu’elle exerce une activité professionnelle dans les catégories suivantes d'établissements ou d'organismes publics ou privés de prévention ou de soins.

(…)

Art. 2

Sont assimilés aux établissements et organismes mentionnés à l'article précédent, dans la mesure où ils participent à l'activité de ces derniers :

- les entreprises de pompes funèbres

- les entreprises de transport de corps avant mise en bière.

Pourquoi le refus du salarié ? 

La lecture de l’arrêt de la Cour de cassation permet d’apprendre que le salarié refusait la vaccination contre l’hépatite B, en raison d’un risque d’exposition à une maladie grave, plus précisément la sclérose en plaques.

Il estimait donc être en droit de s’y opposer. 

C’est la raison pour laquelle le salarié saisit le Conseil de prud’hommes. 

L’arrêt de la Cour d’appel 

La Cour d’appel déboute le salarié de sa demande, estimant le licenciement justifié.

L’arrêt de la Cour de cassation 

Les juges de la Cour de cassation confirment l’arrêt de la Cour d’appel et rejettent le pourvoi. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'après avoir justement retenu que la réglementation applicable à l'entreprise de pompes funèbres imposait la vaccination des salariés exerçant des fonctions les exposant au risque de la maladie considérée, la cour d'appel, qui a constaté la prescription de cette vaccination par le médecin du travail et l'absence de contre-indication médicale de nature à justifier le refus du salarié, en a exactement déduit que celui-ci ne pouvait s'y opposer ; que le moyen n'est pas fondé ; 

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; 

Rappels de jurisprudences…  

Profitons de cette affaire, pour rappeler que la Cour de cassation avait admis qu’une sclérose en plaque développée après une vaccination contre l’hépatite B, en milieu professionnel, devait être prise en charge dans le cadre d’un accident du travail. 

Extrait de l’arrêt

Que de ces seules constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que la relation entre la maladie déclarée et la vaccination subie se trouvant établie et la preuve de la non-imputabilité au travail des lésions constatées n'étant pas rapportée, la myofasciite à macrophages et ses conséquences cliniques devaient être prises en charge au titre du risque professionnel ;

Cour de cassation chambre civile 2 Audience publique du jeudi 10 décembre 2009 N° de pourvoi: 08-20539

Le Conseil d’État avait de son côté reconnu la responsabilité de l’État à l’égard d’une aide-soignante qui avait contracté une sclérose en plaques, consécutivement à une vaccination contre l’hépatite B. 

Extrait

En l’espèce, une aide-soignante atteinte d’une sclérose en plaques qu'elle impute à la vaccination contre l'hépatite B qu'elle a reçue les 27 juillet, 9 septembre et 19 octobre 1988 au sein d’un centre hospitalier, a recherché la responsabilité sans faute de l'Etat au titre des dommages causés par les vaccinations obligatoires. Elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Nancy qui a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement rendu par le tribunal administratif de Strasbourg rejetant sa demande au motif que la responsabilité de l’Etat n’est pas engagée. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que cet agent n'a présenté aucun antécédent de la sclérose en plaques avant de recevoir les trois premières injections du vaccin, que les premiers symptômes de l'affection ultérieurement diagnostiquée qui aient fait l'objet de constatations cliniques ont été ressentis dans un bref délai après la troisième injection et que dans ces conditions, l'affection doit être regardée comme imputable à la vaccination, le Conseil d’Etat considère par cet arrêt qu'il revient dès lors à l'Etat de réparer les dommages subis par cette aide-soignante du fait de cette affection. 

Conseil d’Etat, 10 avril 2009, n°296630

En conclusion 

A s’en tenir au présent arrêt de la Cour de cassation, on serait tenté d’indiquer que lorsque la réglementation applicable à une activité professionnelle, rend obligatoire une vaccination :

  • Il n’y pas de possibilité pour le salarié de refuser celle-ci sauf à produire un avis médical de contre-indication ;
  • Que le licenciement prononcé en raison du refus de vaccination est justifié.

Rappel des activités concernées 

Nous profitons de l’affaire présente pour communiquer la liste des établissements ou organismes publics ou privés dans lesquels le personnel exposé doit être vacciné. 


Arrêté du 15 mars 1991 fixant la liste des établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soins dans lesquels le personnel exposé doit être vacciné


Article 1

Modifié par Arrêté du 29 mars 2005 - art. 1, v. init.

Toute personne exposée à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite lorsqu'elle exerce une activité professionnelle dans les catégories suivantes d'établissements ou d'organismes publics ou privés de prévention ou de soins:

1. Etablissements ou organismes figurant aux nomenclatures applicables aux établissements sanitaires et sociaux en exécution de l'arrêté du 3 novembre 1980 modifié susvisé:

- établissements relevant de la loi hospitalière;
- dispensaires ou centres de soins;
- établissements de protection maternelle et infantile (P.M.I.) et de planification familiale;
- établissements de soins dentaires;
- établissement sanitaire des prisons;
- laboratoires d'analyses de biologie médicale;
- centres de transfusion sanguine;
- postes de transfusion sanguine;
- établissements de conservation et de stockage de produits humains autres que sanguins;
- établissements et services pour l'enfance et la jeunesse handicapées;
- établissements et services d'hébergement pour adultes handicapés;
- établissements d'hébergement pour personnes âgées;
- services sanitaires de maintien à domicile;
- établissements et services sociaux concourant à la protection de l'enfance;
- établissements de garde d'enfants d'âge préscolaire;
- établissements de formation des personnels sanitaires.

2. Autres établissements et organismes:

- services communaux d'hygiène et de santé;
- entreprises de transport sanitaire;
- services de médecine du travail;
- centres et services de médecine préventive scolaire ;

- services d'incendie et de secours.

Article 2

Modifié par Arrêté du 29 mars 2005 - art. 1, v. init.

Sont assimilés aux établissements et organismes mentionnés à l'article précédent, dans la mesure où ils participent à l'activité de ces derniers:
- les blanchisseries;
- les entreprises de pompes funèbres;
- les entreprises de transport de corps avant mise en bière.

- services d'incendie et de secours.

Références  

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 11 juillet 2012

N° de pourvoi: 10-27888 Publié au bulletin

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