Quand la Cour de cassation requalifie des voyages d’affaires en avantages en nature…

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Frais professionnels

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Voici un arrêt de la Cour de cassation qui va inviter les employeurs à agir pour le moins à la plus grande prudence, vis-à-vis des voyages d’affaires…

En effet, la Cour de cassation se penche présentement sur le sort attribué à certains frais, que l’entreprise considère relever de la catégorie « frais d’entreprise » mais qu’elle a de son côté assimilé à des avantages en nature…

Préalable sur les frais d’entreprise

Définition 

Ni avantages en nature, ni frais professionnels, les frais d’entreprise sont des frais relevant de l’activité de l’entreprise et non des frais liés à l’exercice de la profession du salarié.

3 critères cumulatifs à remplir 

Les frais d’entreprise doivent remplir cumulativement 3 critères :

  1. Etre de nature exceptionnelle ;
  2. Etre engagés dans l’intérêt de l’entreprise ;
  3. Etre exposés en dehors de l’exercice normal de l’activité de l’entreprise. 

Il faut en outre que les dépenses engagées par le salarié soient justifiées par :

  • l’accomplissement des obligations légales ou conventionnelles de l’entreprise ;
  • la mise en œuvre des techniques de direction, d’organisation, ou de gestion de l’entreprise ;
  • le développement de la politique commerciale de l’entreprise. 

Régime social 

Les frais d'entreprise sont toujours exonérés de cotisations, même en cas d'application d'une DFS (Déduction Forfaitaire Spécifique), à la différence des remboursements de frais professionnels.

Une définition reprise par circulaire du 7 janvier 2003 

Circulaire DSS/SDFSS/5 B n° 2003-07 du 7 janvier 2003 relative à la mise en oeuvre de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale et de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale

En matière de frais d’entreprise, il convient de se rapprocher de la Circulaire DSS/SDFSS/5 B n° 2003-07 du 7 janvier 2003.

Au sein de ce document, nous y retrouvons notamment la définition des 3 critères cumulatifs précités : 

L'employeur peut être conduit à rembourser des dépenses engagées par le salarié ou à mettre à sa disposition des biens ou services, sans qu'il s'agisse pour autant d'un élément de rémunération, d'un avantage en nature ou d'une indemnisation de frais professionnels.
Les sommes, biens ou services ainsi attribués correspondent à la prise en charge de frais relevant de l'activité de l'entreprise et non de frais liés à l'exercice normal de la profession du salarié.
Les frais pris en charge à ce titre par l'employeur sont donc exclus de l'assiette des cotisations. Ces frais correspondent à des charges d'exploitation de l'entreprise et doivent remplir simultanément 3 critères :

  1. Un caractère exceptionnel ;
  2. Dans l’intérêt de l'entreprise ;
  3. Exposés en dehors de l'exercice normal de l'activité du travailleur salarié ou assimilé.

Présentation de l’affaire

La présente affaire concerne une société qui, suite à un contrôle portant sur les années 2009 et 2010 réalisé par l’URSSAF, connait un redressement.

Sont notamment réintégrés dans l'assiette des cotisations, des sommes afférentes à un voyage à Budapest organisé par la société.

La société saisit d'un recours une juridiction de sécurité sociale. 

L’arrêt de la cour d’appel 

La Cour d'appel de Lyon, dans son arrêt du 8 décembre 2015, donne raison à l’entreprise, estimant que le voyage incriminé dans le présent redressement présentait les 3critères permettant de reconnaitre des frais d’entreprise, à savoir : 

  1. Etre de nature exceptionnelle ;
  2. Etre engagés dans l’intérêt de l’entreprise ;
  3. Etre exposés en dehors de l’exercice normal de l’activité de l’entreprise. 

Parmi les éléments mis en avant par la cour d’appel, citons :

  • Le fait que tous les salariés de la société ont dû participer à ce voyage, soit un groupe constitué de plus de 100 personnes ;
  • Qu’une feuille d'émargement, visée par les salariés présents, laquelle témoigne du caractère obligatoire de cet événement ;
  • La lecture du synopsis du voyage permet effectivement de relever qu'une seule demie journée était prévue au titre d'une séance de travail, sur 4 jours de voyage, dont à déduire 1 jour pour les transports, séance dont le descriptif est communiqué par la société ;
  • Le fait que la société justifie cependant, par production de diverses pièces, et notamment des photographies, que les marques du groupe ont été présentes tout au long du séjour, que des tenues ont été imposées avec le logo du groupe pour les soirées, que les divers participants étaient placés lors des différents repas ;
  • Et enfin, que le fait que quelques conjoints aient pu participer à ce voyage ne saurait suffire à éluder le fait que celui-ci était organisé dans l'intérêt de l'entreprise, avec mise en œuvre des techniques de direction, d'organisation, de gestion de l'entreprise et le développement de la politique commerciale de celle-ci. 

En conclusion, selon la cour d’appel le voyage, objet du redressement par les services de l’URSSAF, répondait totalement aux critères de la circulaire du 7 janvier 2003, avec pour objectifs, au regard de ses conditions de déroulement et de son caractère obligatoire, de renforcer la cohésion des équipes en créant un environnement favorable au travail pour les différents collaborateurs du groupe caractérisant ainsi un séminaire professionnel, et un voyage de stimulation des équipes. 

Extrait de l’arrêt :  

Attendu que pour accueillir ce dernier l'arrêt, retient qu'il apparaît que le voyage organisé du 2 au 5 décembre 2010 présentait un caractère exceptionnel, et que les dépenses ont été engagées en dehors de l'exercice normal de l'activité des salariés, qu'il n'est pas contesté que tous les salariés de la société ont dû participer à ce voyage, soit un groupe constitué de plus de cent personnes, qu'est produite une feuille d'émargement, visée par les salariés présents, laquelle témoigne du caractère obligatoire de cet événement ; que la lecture du synopsis du voyage permet effectivement de relever qu'une seule demie journée était prévue au titre d'une séance de travail, sur quatre jours de voyage, dont à déduire un jour pour les transports, séance dont le descriptif est communiqué par la société ; que la société justifie cependant, par production de diverses pièces, et notamment des photographies, que les marques du groupe ont été présentes tout au long du séjour, que des tenues ont été imposées avec le logo du groupe pour les soirées, que les divers participants étaient placés lors des différents repas ; que le fait que quelques conjoints aient pu participer à ce voyage ne saurait suffire à éluder le fait que celui-ci était organisé dans l'intérêt de l'entreprise, avec mise en oeuvre des techniques de direction, d'organisation, de gestion de l'entreprise et le développement de la politique commerciale de celle-ci ; que ce voyage répond aux critères de la circulaire du 7 janvier 2003, avec pour objectifs, au regard de ses conditions de déroulement et de son caractère obligatoire, de renforcer la cohésion des équipes en créant un environnement favorable au travail pour les différents collaborateurs du groupe caractérisant ainsi un séminaire professionnel, et un voyage de stimulation des équipes ;

L’arrêt de la Cour de cassation

Mais la Cour de cassation ne partage pas du tout l’avis de la cour d’appel.

Elle estime en effet que les frais en question n'avaient pas été exposés pour des charges inhérentes aux fonctions des salariés, exercées dans l'intérêt de l'entreprise. 

De sorte que leur prise en charge constituait des avantages en nature soumis à cotisations. 

L’arrêt de la cour d’appel est cassé et annulé de ce fait, les parties envoyées devant la Cour d’appel de Dijon.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les frais litigieux n'avaient pas été exposés à raison de charges inhérentes aux fonctions de ces salariés, exercées dans l'intérêt de l'entreprise, de sorte que leur prise en charge constituait des avantages en nature, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Références

Cour de cassation chambre civile 2 Audience publique du jeudi 30 mars 2017 
N° de pourvoi: 16-12132 Non publié au bulletin 

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