Le Conseil d’État précise les conditions permettant de minorer la contribution AGEFIPH en cas d’embauche d’un jeune travailleur handicapé

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Emploi travailleurs handicapés

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C’est avec beaucoup d’intérêt que nous avons pris connaissance d’une récente décision du Conseil d’État.

Ce dernier abordait la minoration à laquelle ouvrent droit les entreprises lors du recrutement d’un travailleur handicapé de moins de 26 ans, au titre de la contribution AGEFIPH.

Nous vous proposons de prendre connaissance des importantes précisions récemment données par le Conseil d’État à ce sujet. 

Rappel du principe général de la minoration

Pour les établissements soumis à l’obligation prévue aux articles L 5212-1 et L 5212-2 du code du travail, à savoir employeur un effectif minimum de 6% de personnes reconnues travailleurs handicapés (obligation fixée à 2% à Mayotte), les établissements peuvent toutefois bénéficier de « minorations au titre des efforts consentis par l’employeur ».

Article L5212-1

Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 43

Les dispositions du présent chapitre s'appliquent à tout employeur, occupant au moins vingt salariés, y compris les établissements publics industriels et commerciaux.

Article L5212-2

Tout employeur emploie, dans la proportion de 6 % de l'effectif total de ses salariés, à temps plein ou à temps partiel, des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés, mentionnés à l'article L. 5212-13.

Les minorations au titre des efforts consentis par l’employeur  

 A ce niveau, plusieurs possibilités sont offertes : 

1

Le fait d’avoir recruté un salarié handicapé âgé de moins de 26 ans ou de 50 ans et plus 

2

Le fait d’avoir embauché un salarié justifiant d’un handicap lourd 

3

Avoir recruté un salarié reconnu travailleur handicapé et justifiant aussi du statut de chômeur longue durée 

4

Avoir embauché un salarié handicapé issu d’une structure agréée 

5

Recruter pour la première fois un salarié handicapé

Chiffrage des minorations 

Les chiffrages sont les suivants : 

  • Recrutement d’un salarié handicapé âgé de moins de 26 ans ou de 50 ans et plus : minoration de 0,50 unité à titre permanent par salarié ;
  • Embauche d’un salarié justifiant d’un handicap lourd : minoration de 1,00 unité à titre permanent, par salarié ;
  • Recrutement d’un salarié reconnu travailleur handicapé et justifiant aussi du statut de chômeur longue durée (DELD) : minoration de 1,00 unité la première année, par salarié ;
  • Embauche d’un salarié handicapé issu d’une structure agréée (EA, ESAT ou CDTD) : minoration de 1,00 unité à titre permanent, par salarié ;
  • Et enfin est octroyée une minoration de 0,50 unité au titre du 1er recrutement d’un salarié handicapé, minoration qui n’est accordée qu’une seule fois dans la vie de l’établissement.

Article D5212-23

Modifié par Décret n°2009-1377 du 10 novembre 2009 - art. 11 (V)
Le coefficient de minoration, au titre des efforts consentis par l'employeur en matière de maintien dans l'emploi ou de recrutement direct de bénéficiaires de l'obligation d'emploi, est égal : 
1° A 0, 5 à titre permanent pour l'embauche d'un bénéficiaire de l'obligation d'emploi et âgé de moins de vingt-six ans ou de cinquante ans révolus et plus ; 
2° A 1 pour l'embauche ou le maintien dans l'emploi d'un bénéficiaire de l'obligation d'emploi pour lequel le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a reconnu la lourdeur du handicap, en application de l'article R. 5213-45, pour la durée de la validité de la décision ; 
3° A 0, 5 la première année pour l'embauche du premier travailleur handicapé appartenant à l'une des catégories de bénéficiaires de l'obligation d'emploi ; 
4° A 1 la première année pour l'embauche d'un bénéficiaire de l'obligation d'emploi en chômage de longue durée ; 
5° A 1 à titre permanent pour l'embauche d'un bénéficiaire de l'obligation d'emploi à sa sortie d'une entreprise adaptée, d'un centre de distribution de travail à domicile ou d'un établissement ou service d'aide par le travail.

NOTA : 

Décret n° 2009-1377 du 10 novembre 2009 article 7 I : Les dispositions du présent décret prennent effet, dans chaque région, à la date de nomination du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Les arrêtés de nomination de ces directeurs ont été publiés par arrêtés des 30 décembre 2009 et 9 février 2010, parus respectivement au Journal officiel des 5 janvier et 14 février 2010).

Conformément à l'article 15 du même décret elles ne s'appliquent ni à la région Ile-de-France ni aux régions d'outre-mer.

Conformément à l'article 2 du décret n° 2010-687 du 24 juin 2010, les dispositions du décret n° 2009-1377 du 10 novembre 2009 s'appliquent à la région Ile-de-France à compter du 1er juillet 2010.

L’affaire concernée

Au titre de la contribution AGEFIPH due en cas d’insuffisance de recrutement de travailleurs handicapés, une entreprise avait appliqué la minoration due au titre du recrutement de 2 salariés handicapés, âgés respectivement de 19 et 22 ans.

Constatant que ces salariés avaient atteint le seuil de 26 ans, l’entreprise avait :

  • Dans un 1er temps, cessé d’appliquer la minoration ;
  • Dans un second temps, avait visiblement changé d’avis, considérant que selon les termes mêmes de l’article D 5212-23, cette minoration était accordée « à titre permanent ». 

C’est la raison pour laquelle elle avait formulé une demande de remboursement, puis un recours hiérarchique et enfin du recours contentieux, sans obtenir gain de cause. 

Extrait décision Conseil d’État du 27 février 2017 :

Vu la procédure suivante :

La (…) a demandé au tribunal administratif de (…) d'annuler la décision implicite de rejet opposée par le responsable de l'unité territoriale du (…) de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de (…) à sa demande du 12 décembre 2011 tendant au remboursement de sommes qu'elle avait versées pour les années 2007, 2008 et 2009 au titre de sa contribution annuelle au fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés, ainsi que la décision du 10 août 2012 du préfet du (…) rejetant son recours administratif. Par un jugement n° 1204134 du 28 novembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. 
Par un arrêt n° 15NT00235 du 13 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la (…) contre ce jugement.

La demande au Conseil d’État 

Finalement, c’est vers le Conseil d’État que se tourne l’entreprise, afin d’obtenir :

  • L’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes ;
  • Le règlement de l’affaire au fond, faisant ainsi droit à son appel ;
  • La mise à la charge de l’État de la somme de 5.000 € au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative. 

 Extrait décision Conseil d’État du 27 février 2017 :

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 septembre et 13 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la (…)demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 13 juillet 2016 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La décision du Conseil d’État 

Le Conseil d’État rejette la demande de l’employeur.

  • Il précise que lorsque l’article D 5212-23 évoque une minoration « à titre permanent » ;
  • C’est aux fins de distinguer cette minoration avec celles qui ne sont accordées que la première année ;
  • La minoration au titre du recrutement d’un jeune de moins de 26 ans cesse ainsi de s’appliquer lorsque le salarié atteint l’âge de 26 ans. 

Extrait décision Conseil d’État du 27 février 2017 :

Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 5212-2 du code du travail, reprenant des dispositions antérieurement codifiées à l'article L. 323-1 : " Tout employeur emploie, dans la proportion de 6 % de l'effectif total de ses salariés, à temps plein ou à temps partiel, des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés, mentionnés à l'article L. 5212-13 ". Aux termes de l'article L. 5212-9 du même code dans sa rédaction applicable au litige, reprenant des dispositions antérieurement codifiées à l'article L. 323-8-2 : " L'employeur peut s'acquitter de l'obligation d'emploi en versant au fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés prévu à l'article L. 5214-1 une contribution annuelle pour chacun des bénéficiaires de l'obligation qu'il aurait dû employer. / Le montant de cette contribution peut être modulé en fonction de l'effectif de l'entreprise et des emplois, déterminés par décret, exigeant des conditions d'aptitude particulières, occupés par des salariés de l'entreprise. Il tient également compte de l'effort consenti par l'entreprise en matière de maintien dans l'emploi ou de recrutement direct des bénéficiaires mentionnés à l'article L. 5212-13, notamment ceux pour lesquels l'autorité administrative (...) a reconnu la lourdeur du handicap, ou de ceux rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi ". En vertu de l'article D. 5212-19 du même code, reprenant les dispositions antérieurement codifiées à l'article D. 323-2, la contribution annuelle varie notamment selon " le nombre de bénéficiaires manquants (...), déduction faite, le cas échéant, des coefficients de minoration à l'article D. 5212-23 au titre des efforts consentis par l'employeur en matière de maintien dans l'emploi ou de recrutement direct de bénéficiaires de l'obligation d'emploi (...) ". Aux termes de l'article D. 5212-23 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, reprenant les dispositions antérieurement codifiées à l'article D. 323-2-2 : " Le coefficient de minoration, au titre des efforts consentis par l'employeur en matière de maintien dans l'emploi ou de recrutement direct de bénéficiaires de l'obligation d'emploi, est égal : / 1° A 0,5 à titre permanent pour l'embauche d'un bénéficiaire de l'obligation d'emploi et âgé de moins de vingt-six ans ou de cinquante ans révolus et plus ; / 2° A 1 pour l'embauche ou le maintien dans l'emploi d'un bénéficiaire de l'obligation d'emploi pour lequel le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a reconnu la lourdeur du handicap, en application de l'article R. 5213-45, pour la durée de la validité de la décision ; / 3° A 0,5 la première année pour l'embauche du premier travailleur handicapé appartenant à l'une des catégories de bénéficiaires de l'obligation d'emploi ; / 4° A 1 la première année pour l'embauche d'un bénéficiaire de l'obligation d'emploi en chômage de longue durée ; / 5° A 1 à titre permanent pour l'embauche d'un bénéficiaire de l'obligation d'emploi à sa sortie d'une entreprise adaptée, d'un centre de distribution de travail à domicile ou d'un établissement ou service d'aide par le travail ".
2. Par les dispositions de l'article L. 323-8-2 du code du travail, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées dont elles sont issues, le législateur a entendu moduler le montant de la contribution au fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés en fonction de l'effort consenti par l'entreprise en faveur de l'emploi de salariés rencontrant, notamment du fait de leur âge, des difficultés particulières d'accès à l'emploi. Par suite, le caractère permanent du coefficient de minoration de la contribution annuelle lié à l'embauche d'un salarié de moins de 26 ans, mentionné au 1° de l'article D. 323-2-2 devenu l'article D. 5212-23 du code du travail, doit s'entendre comme permettant son application, à la différence des coefficients applicables uniquement la première année, aussi longtemps que le salarié est âgé de moins de vingt-six ans. Dès lors, la cour administrative d'appel de Nantes, qui pouvait se référer aux travaux préparatoires de la loi du 11 février 2005, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le coefficient de minoration du nombre de bénéficiaires manquants prévu au 1° de l'article D. 5212-23 n'était applicable que jusqu'au vingt-sixième anniversaire du salarié intéressé.
3. Il résulte de ce qui précède que la (…)n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la (…)au titre des frais exposés à l'occasion du litige.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la (…)est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la (…) et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Références

Conseil d'État N° 403490    ECLI:FR:CECHS:2017:403490.20170227 
Inédit au recueil Lebon 1ère chambre
lecture du lundi 27 février 2017

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